La ville de Tizi Ouzou a vibré, hier, avec la protestation citoyenne à l'occasion du 13e vendredi de manifestation de rue pour exiger le changement du système. La marche hebdomadaire organisée depuis le 22 février dernier, pour réclamer le départ du régime, a été imposante, surtout avec ses milliers de personnes qui ont bravé la chaleur et l'éprouvante journée de jeûne pour prendre part à cette démonstration grandiose. «Nous n'allons pas cesser de manifester jusqu'au départ de tous les membres de la caste au pouvoir», clame un jeune, à l'aide d'un mégaphone, au milieu de la foule qui s'est ébranlée, comme chaque vendredi, du campus universitaire de Hasnaoua. «Gaïd», criait-il encore à l'endroit des marcheurs qui répliquaient en chœur «Dégage». «Pouvoir assassin» et «Ulach lvot ulach» (Il n'y aura pas d'élection) sont, entre autres, les slogans scandés par les manifestants qui ont mis en avant l'emblème national et le drapeau amazigh. Ils ont également déployé des banderoles sur lesquelles on pouvait lire «Pour une belle transition démocratique», «Non à la mascarade électorale» et «Pour une Algérie plurielle». Plusieurs pancartes aussi ont été portées par les marcheurs qui remettent sur le tapis de nombreuses revendications populaires. «Les colons français sont partis et leurs sous-traitants algériens ne veulent pas s'en aller», «La résistance pacifique s'achemine droit vers une IIe République. Courage et résistance. Bravo le peuple», «Il faut que tous les voleurs des deniers publics soient jugés», «Le peuple comme un seul homme vaincra». Dans un carré composé essentiellement des militants du Parti des travailleurs, nous avons remarqué, sur les banderoles, des mots d'ordre exigeant la libération immédiate et inconditionnelle de Louisa Hanoune. «Non aux élections du 4 juillet qui visent, à nouveau, la confiscation de la volonté populaire» et «Oui, à une Assemblée constituante souveraine, détentrice de tous les pouvoirs exécutifs et législatifs. Non, au coup d'Etat», est-il écrit sur une pancarte mise en avant par Ahmed Djaffi, cadre du PT. La libération du patron de Cevital, Issad Rebrab, a été également réclamée par des marcheurs qui ont brandi un étendard sur lequel est mentionné «Libérez le patriote de l'économie». Des portraits d'anciens révolutionnaires, comme Abane, Aït Ahmed et Amirouche avec une légende : «Vous avez libéré le pays», ont été exhibés par de jeunes marcheurs, au moment où d'autres ont porté des pancartes portant des photos d'anciens membres du régime, comme celles de Saïd Bouteflika, Toufik, Tartag, Benyounès, Ouyahia et Sellal, accompagnées d'un écriteau «Klitou elblad ya seraquine» (Vous avez-vous dilapidé les richesse du pays, voleurs). La procession a atteint la rue Lamali où les manifestants ont marqué une halte au premier rond-point. Là, la foule a stigmatisé le chef d'état-major de l'armée, dont le départ est, encore une fois, réclamé par les manifestants qui ont insisté sur la primauté de l'Etat civil sur le militaire. «Dawla madania matchi âaskaria» (Etat civil et non militaire), ont-ils scandé haut et fort. Nous avons aperçu, dans la marche, des militants politiques, des médecins, des avocats et des universitaires. «Les moments de mobilisation que nous vivons depuis le 22 février dernier, avec les milliers de personnes qui viennent des différentes localités à Tizi Ouzou pour manifester, me rappellent les scènes de liesse de 1962, juste à l'indépendance, quand on est partis de Draâ El Mizan jusqu'à Cap Djinet pour voir si que les colons étaient partis. Des moments inoubliables», nous confie le professeur Dahmani de l'université Mouloud Mammeri, rencontré dans la marche, muni d'un appareil photo pour, dit-il, immortaliser ces moments historiques. La procession a continué son parcours, via l'avenue Abane Ramdane, jusqu'à la placette du mémorial des martyrs de la Révolution, en face de l'ancienne gare routière, où elle a commencé à se disperser dans le calme.