Bien bizarre est l'affaire qui a éclaboussé la SGDB (Société de garantie des dépôts bancaires) pour laquelle quatre de ses cadres dirigeants, toujours en poste, ont été inculpés et condamnés en 2009 par le tribunal correctionnel de Bir Mourad Raïs près la cour d'Alger à 2 ans de prison ferme assortis d'une amende de 200 000 DA l Condamnation faisant l'objet actuellement d'un pourvoi en cassation auprès de la Cour suprême. En fait, cette affaire remonte à la fin de 2005 début 2006. Des clients d'El Khalifa Bank et d'établissements financiers en liquidation ont découvert que les chèques d'un montant de 600 000 DA relatifs à leur indemnisation ont été encaissés en leur nom par une tierce personne. D'eux d'entre eux déposent une plainte et c'est là que les responsables de SGDB découvrent la disparition de plusieurs chéquiers et une somme de 1 428 918 DA déjà dépensée. Une plainte contre X est déposée par la SGDB, la seconde après celles des victimes. Des officiers de la brigade économique près la Sûreté de wilaya d'Alger se sont déplacés sur les lieux et entendu tout le personnel de l'entreprise. Les investigations aboutissent à la présentation au parquet de Bir Mourad Raïs, près la cour d'Alger, de plusieurs cadres parmi lesquels le directeur général adjoint, le directeur des opérations, le chef de service administration, un chargé d'études, mais aussi un agent de guichet du CPA et un ingénieur du service technique. Tous sont inculpés pour détournement de deniers publics, faux et usage de faux en écriture bancaire et placés sous contrôle judiciaire. Renvoyé devant le tribunal, le procès s'est ouvert au mois d'avril 2009, en présence de la défense de la SGDB, en tant que partie civile dans l'affaire, étant donné le préjudice qu'elle a subi. L'audience se termine par la condamnation des 6 prévenus à 2 ans de prison ferme assortis d'une amende de 200 000 DA et le remboursement du montant subtilisé. Les prévenus (dont les 4 cadres dirigeants) font appel et l'affaire est examinée une seconde fois par la cour d'Alger, qui confirme la première condamnation. La défense introduit un pourvoi en cassation auprès de la Cour suprême, qui, à ce jour, n'a pas encore statué. Il est vrai que les prévenus jouissent de la présomption d'innocence tant que leur condamnation n'est pas définitive. Néanmoins, des interrogations pèsent lourdement sur la relation qui les lie à leur entreprise. En effet, les prévenus, toujours au même poste au niveau de la SGDB ont fait l'objet de deux courriers adressés par le directeur général de la société à l'avocat de celle-ci. Le premier signé par le défunt DG, le 11 avril 2009, demandant les suites à donner après la confirmation par la cour d'Alger de leur condamnation. Dans cette lettre, l'avocat explique que la loi 90 11 relative à la relation de travail stipule dans son article 64 que « la suspension de la relation de travail intervient de droit par l'effet de la privation de liberté du travailleur tant qu'une condamnation devenue définitive n'aura pas été prononcée. Le cas des travailleurs non privés de liberté n'est pas envisagé par le législateur qui laisse l'entière liberté d'appréciation à l'employeur ». Néanmoins, l'avocat précise que dans le cas d'espèce, « il y a conflit d'intérêt entre les parties, les travailleurs poursuivis et condamnés en première instance, d'une part, et d'autre part, l'employeur victime que vous êtes revendiquant le statut de partie civile de surcroît reconnu, puisque le tribunal vous a octroyé dédommagement en condamnant solidairement les prévenus. Au risque de se contredire, et pour la bonne gestion, voire la crédibilité de votre administration, il me paraît judicieux de prendre les mesures qui s'imposent dans pareille situation, des mesures à la fois conservatoires et provisoires, en attendant que la cour se prononce sur leur appel. Ces mesures provisoires et conservatoires au regard de votre statut de partie civile s'imposent et consistent à ordonner la suspension de la relation de travail ». L'avocat souligne par ailleurs la « probité des prévenus qui fait d'eux d'innocentes victimes dont le jugement » lui paraît « non fondé ni justifié » et conclut que la décision à leur égard revient au conseil d'administration. Mais quelques mois après, le même avocat rédige une autre lettre en réponse au courrier du président du conseil d'administration daté du 15 mars 2010, qui s'informait des mesures à prendre après confirmation de la condamnation des prévenus, dont un occupe depuis peu le poste de directeur général par intérim en remplacement du défunt DG. L'avocat revient sur le principe de la présomption d'innocence dont bénéficient les prévenus tant que la Cour suprême n'a pas statué sur leur cas. Il ajoute à propos de l'intérimaire : « Je me permets de vous souligner qu'il a été injustement condamné, sa condamnation tant au niveau du tribunal qu'au niveau de la cour ne repose sur aucun fondement légal et je suis convaincu que cette violation caractérisée de la loi par les juges du fond ne saurait échapper à la vigilance des magistrats de la Cour suprême qui ne manquera pas de casser l'arrêt confirmant injustement sa condamnation. Il serait absurde, voire injuste de priver un élément probe, intègre, honnête et compétent, qui a fait ses preuves, d'une légitime promotion (…) Pour ma part, je ne vois aucun motif qui puisse faire barrière à sa désignation en tant que directeur général par intérim, voire en tant que titulaire, c'est à mon avis une juste récompense en fin de carrière et une façon bien intelligente de rendre justice… » L'avocat de la SGDB n'a pas tort de mettre l'accent sur le droit à la présomption d'innocence, car elle est sacrée pour tous. Pas uniquement pour un directeur général qui assure l'intérim d'une société à laquelle ont été confiés les fonds destinés à l'indemnisation des clients des banques mises en liquidation. Dans cette affaire, s'il y a des victimes, ce sont bien celles qui ont non seulement perdu leur argent mais encore les miettes que l'Etat leur a données en guise de dédommagement pour l'escroquerie qu'ils ont subie.