Comme l'intégrisme dans sa déclinaison islamique a soulevé et soulève encore des craintes dans le monde occidental, notamment en Europe, l'islamophobie apparaît comme un terrible retour de flammes contre les musulmans « soft ». Lille (France) De notre envoyé spécial Hier, crainte, aujourd'hui, attaquée, la communauté musulmane d'Europe ne sait plus à quel saint se vouer face à la montée inexorable d'un discours politique stigmatisant, la poussant au repli. Que faire pour briser le mur de la peur ? C'est un peu la réponse que se propose d'apporter le 4e colloque de l'Institut Avicenne des sciences humaines (IASH) de Lille, qui se tient depuis hier et jusqu'à demain à l'Ecole supérieure de journalisme (ESJ). Plus de 200 chercheurs, islamologues, théologiens, imams, académiciens, journalistes et délégués d'organisations, planchent sur cette problématique : comment faire pour corriger l'image dégradante de l'Islam et des musulmans présentée par les médias en Europe ? Tout un programme ! Un postulat d'abord : tous les membres des différentes délégations venues de toute l'Europe, mais aussi du Canada, s'accordent à reconnaître que « l'heure est grave » pour les musulmans et qu'il va falloir montrer aux médias du monde le vrai visage de l'Islam. Il faut souligner d'emblée que les invités de l'IASH présentent de belles cartes de visite en termes de modération et de « carrure » intellectuelle pour forcer le respect des médias, mais aussi des institutions européennes. Par-delà les longues barbes qu'arborent certains participants, on a pu découvrir des hommes de paix prônant la coexistence pacifique entre les religions et qui vouent un amour sans limite à leurs pays d'accueil. Mais les unes, pas toujours jolies, voire assez souvent moches des journaux européens sur les musulmans, semblent avoir bousculé leur certitude de pouvoir continuer à vivre leur foi sans être désignés du doigt. Il faut donc réfléchir à une stratégie intelligente loin des réactions épidermiques et des replis communautaires qui ne feraient que renforcer l'œil inquisiteur des médias européens. Pour cause, ces derniers font des « islamiates » une chaude matière à forte valeur ajoutée politique, mais aussi commerciale à servir à leurs lecteurs. Ce colloque vise ainsi à casser les préjugés des médias occidentaux sur l'Islam et les musulmans et trouver des passerelles pour une meilleure compréhension. Islamophobie et occidentophobie Cette initiative a reçu l'appui de l'Organisation islamique pour l'éducation, les sciences et la culture (ISESCO) et la World Islamic Call Society (WICS). Signe que ce colloque est aussi inspiré par les hautes autorités françaises dans le cadre de « l'Islam de France » lancé par Sarkozy, la première secrétaire du PS, Martine Aubry, est annoncée « chez elle » aujourd'hui pour apporter son soutien aux séminaristes. La ville de Lille est d'ailleurs partenaire de ce colloque au même titre que la Fédération nationale des musulmans de France (MNMF), que dirige Mohamed Bechari qui n'est autre que le directeur général de l'Institut Avicenne. Il faut dire que les objectifs annoncés du colloque arrangent à la fois les pays d'accueil et les communautés musulmanes qui s'y sont établies. Face à la menace de l'intégrisme, les musulmans d'Europe devraient ainsi montrer patte blanche pour rassurer les pays d'accueil. En retour, ils attendent un soutien politique à cette entreprise pour le bien de tous. C'est à peu près cela le deal qui semble se conclure entre les représentants des communautés musulmanes et les autorités des pays d'accueil. Cet objectif est articulé autour du renfoncement des relations entre les médias musulmans et leurs homologues européens et de la coopération dans la lutte contre les campagnes diffamatoires contre l'Islam. Le colloque vise également à mettre en place une stratégie collective (professionnelle, politique et juridique) pour contrer l'islamophobie. Pour ce faire, les travaux sont organisés en plusieurs ateliers traitant des questions aussi diverses que le rôle des centres de recherche en Occident pour corriger l'image de l'Islam et la mission des intellectuels musulmans en Occident face à l'intolérance. Le colloque de l'IASH propose par ailleurs d'apporter une thérapie au dernier sous-produit de l'islamophobie : « L'occidentophobie ». On comprend mieux pourquoi un tel colloque a ratissé aussi large, surtout en France où le débat sur l'identité nationale a ravivé la flamme des particularismes.