Pour l'occasion et même s'ils n'y croient pas beaucoup, Rio et ses Cariocas se sont redécorés en vert et jaune, et l'ambiance est évidemment à la Coupe du monde. Celle-ci, où le Brésil n'est pas vraiment un favori, mais surtout la prochaine, 2014, qui doit se dérouler au Brésil. « Tudo bem », tout va bien, annonce tout en faisant un signe de croix le propriétaire d'une grosse boutique sur l'avenida Nossa Senhora de Copacabana, la route de Notre-Dame, du nom de la grosse église du coin. Dans cette longue rue qui coupe en largeur l'un des plus célèbres quartiers de Rio, chic en bas et sur le devant, bordé par une grosse favela miséreuse derrière, la Morro dos Cabrito, le Brésil est prêt pour la Coupe du monde. Au milieu des marchandises de toutes sortes, des ballons géants, jaunes ou rouges, flottent au-dessus des têtes. La promotion choc ? De l'électroménager, machines à laver, fours, chaînes hi fi, et bien sûr, téléviseurs, « remboursés intégralement si le Brésil gagne la Coupe du monde », annonce l'affichette. Roberto est chauffeur de taxi, la quarantaine, il jette un clin d'œil malicieux : « Il sait ce qu'il fait, le Brésil ne va pas gagner le Mundial. » Pessimiste, il annonce la couleur, « Dunga (l'entraîneur brésilien, ancien milieu de terrain de la Seleçao), ce n'est pas du football brésilien. De bonnes individualités mais aucun esprit d'équipe, ce qui conforte la propension naturelle de l'entraîneur à ne travailler que le côté défensif. » C'est dit, mais Roberto reste positif : « Ce n'est pas cette coupe qu'il faut gagner, mais celle de 2014, au Brésil », explique-t-il en faisant un large geste du bras pour désigner derrière le stade mythique du Maracana, à quelques kilomètres en haut des plages. Depuis 1950, date d'inauguration du stade gigantesque de Maracana à Rio pour les besoins du Mundial, le Brésil n'a pas accueilli de Coupe du monde. Pour ce pays déjà quatre fois vainqueur de la Coupe du monde, il s'agit surtout d'effacer l'humiliation de 1950, quand le Brésil avait perdu en finale contre l'Uruguay par 2 à 1, plongeant le pays dans un deuil qui a duré des mois. Touristes qui traînent Si Brasilia est la capitale politique et Sao Paulo la capitale économique, Rio reste et restera la capitale culturelle du Brésil, la vitrine dansante du pays, mais aussi son centre footballistique. Le championnat y est complexe, les nombreux clubs de Rio devant d'abord s'affronter entre eux avant d'affronter ceux des autres villes, ce qui occasionne des derbys réguliers et très intenses. Entre ses innombrables plages et montagnes creusées de tunnels pour raccorder les quartiers bas entre eux et éviter les favelas, chacun trouve sa façon de porter haut le flambeau du futebol. Dans les quartiers bas, bordés de mer Atlantique, Leblon, Ipanema, Botafogo ou Copacabana, les écrans géants sont partout et les boutiques vendent des tee-shirts brésiliens, d'immenses banderoles aux couleurs nationales et des sacs à main en forme de ballon de football. Dans les favelas, ces quartiers à l'urbanisation sauvage, pas de boutiques mais on plante des drapeaux sur les toits, du Brésil mais surtout des clubs de football, Flamengo, Botafogo, Fluminense ou Vasco de Gama, le club pauvre de Rio, dont le centre est à Sao Cristovao. Entre praya et morro, plages et collines, celles-là mêmes sur lesquelles s'accrochent les favelas, terrains glissants et dangereux qui n'appartiennent en théorie à personne, pas même à l'Etat, Rio se déhanche, tombe et se relève au rythme du football. Raul vient de la favela qui surplombe la plage chic de Ipanema, et s'il vend des souvenirs aux touristes qui traînent, il n'a pas encore appris à parler leurs langues. Heureusement, le football est international : « Non, pas le Brésil. C'est l'Argentine qui va gagner, ou l'Espagne. » Raul rigole, « peut-être même l'Algérie, vous avez une bonne équipe ». C'est ce qu'il pense, même s'il n'a vu aucun match, même s'il est difficile de lui parler de Saâdane en brésilien. Mais Raul connaît l'Algérie, comme bon nombre de Brésiliens. Zidane, bien sûr, même si l'on est obligé de leur rappeler qu'il est Français. Pas de problème. Le but pour l'Algérie d'après Raul ? « Surtout d'écraser les USA », demande-t-il en levant les yeux au ciel pour une prière muette. « Et Viva Lula ! »