Le marché du change reste très discret à Oran, dans la mesure où les billets de banque ne sont pas exhibés de manière ostentatoire, mais les « cambistes » sont identifiables par un lieu, le plus souvent un local commercial et, fait rare, un surnom pour les plus en vue. C'est-à-dire ceux qui ont accumulé autant d'expérience que d'argent et qui les rend capables de négocier les grosses sommes. Actuellement, un euro s'échange à 127 DA pour l'achat et 125 DA pour la vente au marché parallèle, alors qu'il est à moins de 100 DA à la banque. Bien qu'on puisse trouver une légère fluctuation, 126,5 à l'achat par exemple, chez quelques revendeurs, ils sont pourtant de plus en plus nombreux à se lancer dans ce marché lucratif. Illégal mais toléré, le change parallèle se pratique, selon une source au fait du dossier, dans toutes les communes, avec, cependant, une concentration à Oran, mais aussi à Aïn El Türck. La Corniche oranaise, avec ses stations balnéaires et ses lieux de loisirs, étant la destination préférée des immigrés, principale, pour ne pas dire unique, constitue la source d'approvisionnement de ce marché depuis que la cotation de l'ancien franc français a commencé à prendre ses distances par rapport au dinar. Alors que les premiers car-ferries commencent à débarquer, par vagues successives, les estivants venus d'Europe stimulent le marché du change des devises. Au mois de mars, indique-t-on, il se négociait à seulement un euro pour 120 DA à l'achat et 118,5 à la vente. Pour certains habitués de ce commerce, l'explication est simple : « Avec l'arrivée des immigrés, on a tendance à penser que le change allait baisser avec l'augmentation de l'offre, mais on a tendance à oublier que la demande en devises augmente aussi peut-être plus de manière plus importante, car de plus en plus d'Algériens passent aussi la frontière en sens inverse pour des séjours à l'étranger. » Cette demande est d'autant plus ressentie que même le nombre de « cambistes » clandestins a augmenté pour satisfaire la demande. Plus loin, il nous montre un commerce conventionnel installé sur l'une des rues les plus célèbres d'Oran, où, selon lui, des devises sont également échangées dans l'arrière-boutique. « Aujourd'hui, beaucoup de commerçants échangent de la devise, car c'est un moyen de gagner plus d'argent », explique notre « guide », qui estime à 10 000 DA les bénéfices quotidiens de ces « petits revendeurs ». « Vous allez dans tel quartier, vous demandez où se trouve ‘‘le garage'', et l'on saura tout de suite que vous voulez échanger de la devise. Puis, on vous indiquera le lieu », confie un « client » qui explique qu'avec la concurrence, les revendeurs, eux-mêmes alimentés par des collecteurs de devises, recourent aujourd'hui à une armée d'intermédiaires, moyennant des rémunérations. « Moi je ne vends pas, mais j'achète la devise, et cet argent me permet seulement d'acquérir ma marchandise à la source sans passer par les intermédiaires. Ce qui me permet d'être concurrentiel question prix », explique un commerçant parmi ceux qui s'alimentent à ce qui est appelé localement « le cabas », c'est-à-dire des produits importés par petites quantités pour échapper au circuit conventionnel de l'importateur-grossiste-détaillant. C'est sans doute pour cela que beaucoup de « riches » demandent la convertibilité du dinar, une fausse solution pour un vrai problème, car les devises du marché parallèle viennent, de toutes les façons, de l'étranger, alors que la convertibilité va entraîner une fuite des devises qui ont une contrepartie en production nationale même axée sur les hydrocarbures