Le Mondial-2010 frémit enfin avec un Allemagne-Angleterre qui a tout du grand combat de fauves, entre les vieux lions anglais et une jeune génération allemande toutes griffes dehors, dimanche à Bloemfontein à 15h. Le vainqueur de la bataille de Bloemfontein — grande ville du centre du pays à 1400 m d'altitude dont le nom signifie « la fontaine aux fleurs » en afrikaans — rencontrera ensuite en quarts le vainqueur du match Argentine-Mexique. Nouveau classique en perspective si l'Albiceleste l'emporte ! Enfin un sommet ? Fans de foot, médias et Fifa l'espèrent, après un premier tour un peu terne à l'image d'un Brésil-Portugal (0-0) qui n'a pas tenu ses promesses. Reste évidemment à savoir si le match sera débridé ou s'il se décidera aux tirs au but, exercice si redouté côté anglais. Ce n'est pas la seule question. Rooney va-t-il enfin se réveiller ? Irrésistible avec Manchester United, l'attaquant peine à enfiler son costume de « M. Waynederful » (jeu de mots sur « wonderful », « merveilleux »). Et qui imposera sa loi au milieu entre Gerrard, le « One man army » —« armée à lui tout seul » — et Özil, le « Messi allemand » ? Gary Lineker disait que « le football se joue à onze contre onze et à la fin c'est l'Allemagne qui gagne », pour décrire un froid réalisme allemand. Mais Özil amène l'Angleterre à ne plus voir seulement dans la Mannschaft une mécanique bien réglée. Les Anglais le craignent, décrivant un mélange de Gascoigne jeune et de « Toto » Schillaci, ce Sicilien qui avait explosé au Mondial-1990. Ce choc sera aussi celui des gardiens, personnages centraux d'incroyables feuilletons dans les deux sélections. Dans les buts allemands, il y aura Neuer, qui n'a pas commis d'impair jusqu'ici, mais n'a jamais été une assurance tous risques. Chez les Anglais, il y a « Calamity » James, 39 ans, obligé de relever le gant après l'incroyable boulette de Green lors du match contre les USA. Si les deux mastodontes du football européen —13e Coupe du monde, 1 sacre pour les Anglais, 17e participations, 3 titres pour les Allemands — se neutralisent, il faudra en venir aux tirs au but, de sinistre mémoire pour les hommes de Fabio Capello. L'exercice fut fatal aux « Trois Lions » sur cinq de leurs huit derniers tournois : Coupes du monde 1990, 1998 et 2006 et Euros 1996 et 2004. Et par deux fois, les tireurs étaient allemands... Avant ce combat des chefs, la guerre des mots n'a bizarrement pas eu lieu dans les tabloïds des deux pays. Lors de l'Euro-1996, le Daily Mirror avait dégainé avant la demi-finale un « Achtung ! Surrender » — « Attention, rendez-vous ! » — illustré par un Gascoigne hilare portant un casque de la Seconde Guerre mondiale, avec ce bandeau : « Pour toi, Fritz, l'Euro-96 est fini ! ». The Sun lance juste à la bande à Rooney un « Do it again ! » — « Refaites-le ! » — en rappelant le 5 à 1, avec un triplé de Owen, réussi en qualifications du Mondial en septembre 2001 à Munich contre la Mannschaft. Bloemfontein a vu naître JRR Tolkien, l'auteur du Seigneur des anneaux. Qui sera le seigneur de « Bloem » ?