L'Iran a présenté ses excuses, hier, pour avoir abattu mercredi le Boeing 737 par «erreur», tout en pointant la responsabilité de l'«aventurisme américain» dans ce drame ayant fait 176 morts, rapportent des médias. La région est le théâtre de grandes tensions entre Américains et Iraniens, notamment après l'élimination, le 3 janvier, du général iranien Qassem Soleimani dans un raid américain à Baghdad, qui a entraîné mercredi, le jour du crash, des tirs de missiles iraniens sur des bases abritant des soldats américains en Irak. Vendredi, Washington a affirmé que Qassem Soleimani prévoyait des attaques contre des infrastructures américaines dans la région, dont «quatre ambassades», selon le président américain, Donald Trump. Le vol PS752 de la compagnie Ukraine Airlines International (UAI) s'est écrasé de nuit à l'ouest de Téhéran, très vite après son décollage. Les victimes sont essentiellement des Iraniens et des Canadiens, mais aussi des Afghans, des Britanniques, des Suédois et des Ukrainiens. «L'enquête interne des forces armées a conclu que de manière regrettable des missiles lancés par erreur ont provoqué le crash de l'avion ukrainien», a affirmé le président iranien, Hassan Rohani, parlant d'une «grande tragédie» et d'une «erreur impardonnable». Le guide suprême d'Iran, l'ayatollah Ali Khamenei, a appelé à faire le nécessaire «pour éviter la répétition de pareil accident». Plus tôt, le ministre des Affaires étrangères iranien, Mohammad Javad Zarif, a exprimé des «excuses», tout en déplorant une «erreur humaine en des temps de crise causée par l'aventurisme américain (qui) a mené au désastre». «Placées au plus haut niveau d'alerte pour répondre à d'éventuelles menaces» américaines, les forces armées ont expliqué dans un communiqué de leur état-major que l'appareil a été pris pour une «cible hostile». L'avion semblait en effet s'approcher d'un «centre militaire sensible» des Gardiens de la révolution, l'armée idéologique de la République islamique, selon eux. Le général de brigade Amirali Hajizadeh, commandant de la branche aérospatiale des Gardiens, a endossé la «responsabilité totale» du drame, dans une déclaration télédiffusée. «J'aurais préféré mourir plutôt que d'assister à un tel accident», a-t-il déclaré, ajoutant que le missile tiré «de courte portée» a explosé «à côté de l'avion», ce qui explique que celui-ci ait pu continuer à voler après avoir pris feu. L'opérateur chargé de tirer le missile a fait feu sans pouvoir obtenir la confirmation d'un ordre de tir à cause d'un «brouillage» des télécommunications, a déclaré le général. Le soldat a pris l'avion pour un «missile de croisière», a-t-il ajouté, il a eu «10 secondes pour décider» mais «a pris la mauvaise décision». Selon l'état-major, le «coupable» de cette erreur devait être traduit «immédiatement» en justice. Appels à une enquête «transparente» et «objective» Le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, a réclamé de la «transparence» afin qu'une «enquête complète et approfondie» soit menée et établisse les responsabilités. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a réclamé la punition des coupables et le versement de compensations. La Présidence ukrainienne a déclaré être certaine que «l'enquête sera prompte et objective». Les autorités suédoises ont exigé de leur côté «l'entière coopération» de l'Iran à l'enquête dans le crash qui a fait 17 victimes «domiciliées» en Suède. Téhéran a jusqu'alors catégoriquement nié la thèse privilégiée par plusieurs pays, notamment le Canada, selon laquelle l'avion ukrainien aurait été touché par un missile. «Une chose est sûre, cet avion n'a pas été touché par un missile», affirmait encore vendredi le président de l'Organisation de l'aviation civile iranienne (CAO), Ali Abedzadeh. Une vidéo d'une vingtaine de secondes, qui montrerait le moment où un missile frappe l'appareil, a été largement diffusée sur les réseaux sociaux. On peut y voir un objet lumineux grimpant rapidement vers le ciel et frappant ce qui semble être un avion. Jeudi, le Premier ministre canadien Justin Trudeau a fait état d'«informations de sources multiples» qui «indiquent que l'avion a été abattu par un missile sol-air iranien». Alors que les appels à faire la lumière se multipliaient, l'Iran a promis de mener une enquête «transparente» et de tout faire pour faciliter la tâche des pays comptant des ressortissants parmi les victimes, dont l'Ukraine. Téhéran, avec qui Ottawa a rompu ses relations en 2012, a indiqué aussi attendre l'arrivée d'une équipe canadienne chargée de «s'occuper des affaires relatives aux victimes canadiennes». Mais le chef de la diplomatie canadienne, François-Philippe Champagne, a annoncé que l'Iran a délivré seulement deux visas à la douzaine de représentants canadiens attendus sur son territoire, précisant avoir «espoir qu'on pourra rapidement résoudre le cas des dix autres visas». Après le drame, l'Iran a invité Boeing, le constructeur américain de l'avion, à participer à l'enquête, ainsi que les Américains, les Canadiens, les Français et les Suédois. Il s'agit de la pire catastrophe connue par l'aviation civile en Iran depuis le drame de l'Airbus d'Iran Air (290 morts) que l'armée américaine a assuré avoir abattu par erreur en 1988. R. I.