Après des années de flottement, l'industrie cinématographique sera dotée d'une nouvelle loi. Elle permettra au moins de voir plus clair puisque le vide juridique entretenu pendant un certain temps a grandement desservi la production algérienne. L'absence a été un prétexte pour « la bureaucratie culturelle » de bloquer toutes les initiatives. Un projet de loi fixant les règles générales relatives à l'industrie et à l'activité commerciale cinématographiques a été approuvé dimanche par le Conseil des ministres. A travers ce texte, le ministère de la Culture renforce ses prérogatives en matière de délivrance d'autorisation pour la réalisation, l'exploitation, la diffusion et la distribution des films. La projection publique à des fins non commerciales d'oeuvres audiovisuelles est, elle aussi, soumise à autorisation du même ministère. L'exploitation des salles de projection de film sera, selon le nouveau texte, soumis à un cahier des charges. Le département de Khalida Toumi tente de réparer un faillite qui a transformé des salles de cinéma, patrimoine national, en de simple salles de projection vidéo et de gargotes. Le même département a des difficultés à récupérer des salles, qui sont la propriété de certaines collectivités locales. Celles-ci, comme c'est le cas dans des villes comme Constantine, Blida, Annaba et Mostaganem ne font aucun effort pour réhabiliter les salles et pour relancer leurs activités cinématographiques. Des APC ont donné la gestion de ces salles à des personnes n'ayant aucun lien avec l'art cinématographique. Le résultat est catastrophique. A Alger, il a fallu beaucoup de temps pour « réhabiliter » certaines salles telles que l'Algeria, l'ABC et le Casino. Des procédures judiciaires compliquées retardent la reprise d'autres salles. Oran a pu récupérer certaines salles grâce au Festival du film arabe. La relance de manifestations telles que les Journées cinématographiques méditerranéennes de Annaba (JCMA) et le Panorama de Constantine permettra probablement à ces deux grandes villes de retrouver l'ambiance du septième art. « Le texte institue le dépôt auprès de l'instance chargée de la conservation cinématographique d'une copie des films nationaux et étrangers diffusés dans le pays à l'expiration des droits d'exploitation, ainsi que des films déjà produits ou à produire relatifs à la guerre de Libération nationale », est-il précisé dans le projet de loi et repris par l'agence APS. Autrement dit, les cinémathèques, qui ont perdu beaucoup de leur aura ces dernières années, auront à reprendre leur rôle de conservation. « Or, on ne fait plus de conservation. Au contraire, la cinémathèque détruit, malgré elle, le patrimoine national. Il n'existe pas d'infrastructures pour refaire les copies. Les archivistes et les documentalistes peuvent en un ou deux ans apprendre les techniques de réfection et la remise en ordre des films, comme on le fait pour les livres. Cela permettra de retirer des copies pour la diffusion et d'autres pour les archives. Le système numérique permet d'avoir accès à ces techniques », nous a déclaré récemment Mohamed Bensalah, critique, cinéaste et enseignant à l'université d'Oran. Selon lui, la cinémathèque ne signifie pas de choisir un endroit, tel que la Bibliothèque nationale comme lieu de stockage de films. « La cinémathèque ne fait pas que stocker les films, mais elle doit les régénérer. Nous avons un patrimoine extraordinaire qui est en jachère. Il faut le réveiller », a-t-il appuyé. Dans une perspective de protéger les métiers du cinéma et de garantir une activité continue pour les techniciens algériens, le nouveau texte, le projet de loi oblige les producteurs étrangers procédant à des tournages en Algérie de recourir à des collaborateurs nationaux. Cela évite au moins à ces producteurs de ne pas venir avec armes et bagages réaliser des longs métrages sans faire profiter la main- d'oeuvre locale du savoir-faire. « Nous avons perdu beaucoup de métiers liés au cinéma. Il faut former. Je veux plus qu'une école de cinéma. Je veux que le cinéma soit enseigné à l'école en tant que matière. Mais, il faut qu'on s'entende sur la politique cinématographique en Algérie. Lorsque l'Etat a voulu reprendre le projet du métro d'Alger, il l'a fait. Cette volonté doit être valable pour le cinéma aussi », nous a déclaré Amina Bachir Chouikh, cinéaste (lire entretien dans nos prochaines éditions). Le projet de loi a prévu un soutien à la formation aux métiers du cinéma, y compris l'octroi d'encouragements publics au profit des stagiaires. Le principe d'une aide publique aux entreprises algériennes de production, de distribution, d'exploitation et de diffusion cinématographiques est retenu dans le texte. Il s'agit probablement de donner plus de consistance au fameux FDATIC (Fonds de soutien) qualifié de faible par les professionnels du septième art. Intervenant lors du Conseil des ministres, le président Abdelaziz Bouteflika a annoncé que les films liés à la lutte de Libération nationale feront l'objet d'un soutien direct du budget de l'Etat. C'est peut-être une manière d'éviter que des films polémiques sur cette guerre soient produits à partir de fonds publics. Les Algériens, dans leur grande majorité, n'ont pas encore vu le film Ben Boulaïd d'Ahmed Rachedi. La petite controverse qui est née autour de ce long métrage a été vite étouffée, alors que Rachid Bouchareb, qui était à Alger la semaine écoulée, n'a toujours pas confirmé s'il réalisera un film sur la vie de l'Emir Abdelkader.