La longue agonie du pape Jean-Paul II aura été largement médiatisée depuis le début du mois de février, suscitant chez certains admiration à travers le calvaire vécu par le souverain pontife et chez d'autres un certaine colère contre ce qu'ils ont dénoncé comme étant une inacceptable mise en scène autour des derniers jours du chef de l'Eglise chrétienne. Toujours est-il que Jean-Paul II aura particulièrement marqué ses vingt-six ans de règne pontifical comme peu de papes l'ont sans doute rarement fait. Et d'abord parce qu'il a été le premier souverain pontife non italien depuis 455 ans. Il est vrai que depuis sa nomination comme cardinal en 1967 par Paul VI, il était devenu un représentant de l'« ostpolitik », l'ouverture politique vers l'Est de l'Eglise, encouragé en cela par les Américains et les Européens. Karol Wojtyla, archevêque de Cracovie, est élu pape deux ans à peine avant que la Pologne n'entre dans une phase d'agitation qui conduira à la chute du régime communiste du général Jaruzelsky. D'ailleurs, Jean-Paul II se rendra dans son pays natal pour aller à la rencontre des millions de fidèles, soutenant ainsi la contestation dirigée par le mouvement Solidarnosc de manière à peine voilée, n'hésitant pas à s'adresser aux dirigeants communistes, notamment Leonid Brejnev, et défendre ainsi la « souveraineté de la Pologne » face aux menaces d'intervention de la part des forces militaires du Pacte de Varsovie. Au cours de ses deux autres voyages en Pologne, il apporte son soutien au combat de Solidarnosc, encourageant ses compatriotes à poursuivre la lutte contre le communisme. En 1989, Solidarnosc arrive au pouvoir et quelques semaines plus tard le mur de Berlin tombe. Cet engagement, d'abord dans la lutte contre le nazisme alors qu'il était clandestinement séminariste durant l'occupation allemande de son pays et contre le « totalitarisme communiste », Jean-Paul II aimait souvent le rappeler à ses interlocuteurs, comme il l'a fait avec George W. Bush à la veille de l'occupation de l'Irak. Néanmoins, son engagement pour la paix et la liberté connaissait parfois des limites, comme il s'agissait de dénoncer les actions de la Contra contre le régime sandiniste du Nicaragua contre lequel il prononcera l'excommunication de quatre prélats pour leur engagement aux côtés du régime révolutionnaire, ou encore le silence observé sur les exactions commises par le général Pinochet au Chili qu'il bénira d'ailleurs à l'occasion d'un périple en Amérique latine. Ce pape que beaucoup qualifient de politique réussira à faire grincer des dents les Occidentaux lorsqu'il recevra en 1982, pour la première fois, le dirigeant palestinien Yasser Arafat au Saint-Siège à Rome alors qu'Américains et Israéliens le considéraient à l'époque comme un « chef terroriste ». Menahem Begin, alors Premier ministre de l'Etat hébreu, reprochera au pape d'avoir « serré une main souillée de sang d'enfants juifs innocents ». Le Saint-Siège ne reconnaîtra Israël qu'en 1994, avec lequel il noue des relations diplomatiques. Jean-Paul II a créé une seconde la fois la surprise aussi bien chez les Occidentaux qu'en Israël en nommant, pour la première fois depuis les Croisades, un prêtre palestinien, Mgr Sabbah, comme patriarche latin de Jérusalem. Le souverain pontife va ainsi rencontrer Abou Ammar une bonne douzaine de fois, dont l'une en 2000 à Beit Lahm, après avoir visité des camps de réfugiés. Depuis, il ne cessera de dénoncer le bouclage des territoires palestiniens par les Israéliens ou encore celui d'El Qods. Le Vatican signera, d'ailleurs, en 2002 des accords avec l'Autorité palestinienne, comme il l'a fait avec Tel-Aviv. Le pape Jean-Paul II ne manquera de dénoncer la construction du mur de séparation dans les territoires palestiniens par les Israéliens arguant que la « région a besoin de ponts, pas de murs ».