Hier, devant le procureur de la République près le tribunal de Sidi M'hamed, les quatre personnes ont vu leur garde à vue prorogée à nouveau. Le journaliste Khaled Drareni, les activistes du hirak, Samir Benlarbi et Slimane Hamitouche, ainsi que l'ancien policier démissionnaire Toufik Hassani n'ont toujours pas quitté les locaux de la police à Alger. Arrêtés samedi dernier lors de la marche violemment réprimée dans la capitale, ils sont maintenus en garde à vue depuis trois jours. Devant être présentées hier devant le procureur de la République près le tribunal de Sidi M'hamed, les quatre personnes ont vu leur garde à vue prolongée à nouveau. Enigmatique ! La décision, annoncée vers 12h30, a surpris les avocats et tous les présents, hier devant le tribunal, où un rassemblement a été organisé en soutien à Khaled Drareni, arrêté en plein exercice de son métier de journaliste. «Hier, le procureur nous dit qu'ils (les quatre personnes, ndlr) seront présentés aujourd'hui. Nous sommes arrivés à 9h au tribunal. Et ce n'est que maintenant qu'il nous a informé qu'ils ne seront pas présentés et que cela devrait se faire demain», affirme Me Zoubida Assoul. Selon elle, la raison mise en avant par le procureur porte sur «le parachèvement des éléments techniques de l'enquête». «Nous ne comprenons pas pourquoi on persiste dans ce genre de pratiques qui sont non seulement une humiliation pour la défense, mais aussi pour la justice en générale», dénonce, pour sa part, Me Hafid Tamert. Pour Me Nourredine Benissad, président de la LADDH, «la propagation de la garde à vue n'est pas justifiée, compte tenu des faits reprochés à Khaled Drareni et aux trois autres détenus». «Ils sont accusés d' »incitation à attroupement non armé ». Ce fait est faux, parce que Khaled Drareni n'a fait que son métier de journaliste. Les autres n'ont fait que participer à une marche pacifique. On verra demain (aujourd'hui, ndlr) pourquoi la garde à vue a été prolongée et j'espère qu'il n'y aura pas d'autres chefs d'inculpation, à part ceux qu'on connaît déjà», souligne-t-il. «Un dossier vide» Selon Me Yamina Alili, le maintien des quatre personnes en garde à vue «pourrait être un prétexte pour chercher de nouvelles accusations, notamment après l'expertise de leurs téléphones portables». «Le dossier actuel est vide. Il semble qu'ils cherchent encore de nouveaux chefs d'accusation, comme ils l'ont fait avec Toufik Hassani à qui on a collé l'accusation d' »incitation à la violence à l'égard des agents de police »», explique-t-elle, en dénonçant «une violation des procédures». Maître Abdelghani Badi dénonce pour sa part «cette insistance injustifiée à chercher de nouveaux faits sur les portables des personnes arrêtées, dont le journaliste Khaled Drareni». «La vérification des portables devra se faire, selon la loi, dans les cas d'atteinte à la sûreté de l'Etat ou de faits dangereux. Cela ne s'applique pas à cette affaire», indique-t-il, en condamnant, au passage, l'agression physique «dont a été victime l'ancien policier, Toufik Hassani, présenté devant le procureur avec des séquelles graves de coups reçus pendant son arrestation». «Le journaliste doit être protégé» La présidente d'Amnesty International Algérie, Hassina Oussedik, présente elle aussi au tribunal de Sidi M'hamed, dénonce «l'arrestation du journaliste en plein exercice de son travail». «Le droit d'informer est consacré par la Constitution algérienne. La liberté de la presse est un levier de la démocratie. Nous regrettons que des journalistes continuent d'être la cible de la répression, alors qu'ils devraient être protégés pour qu'ils puissent exercer librement leur métier», déclare-t-elle. Des journalistes ont signé, hier après-midi, une pétition dans laquelle ils dénoncent l'acharnement des services de sécurité contre Khaled Drareni. «Khaled Drareni est en droit de refuser d'ouvrir son téléphone et de protéger ses sources. La législation est de son côté. Nous, éditeurs, journalistes, free lanceurs, producteurs de contenus, réunis en urgence rejetons avec force cette prise en otage de notre collègue et réclamons sa libération immédiate et inconditionnelle», lit-on dans le texte de cette pétition. Les signataires interpellent, dans la foulée, le ministre de la Communication «pour qu'il assume sa part de responsabilité politique dans le libre exercice des métiers de la presse et qu'il ne laisse pas livrés les journalistes aux diktats des services de sécurité civils et militaires». Réagissant à cette arrestation, la Fédération internationale des journalistes (FIJ) exige, dans un communiqué, la libération immédiate de Khaled Drareni. «Il n'a fait qu'exercer son métier de journaliste et son arrestation est scandaleuse. Nous exigeons sa libération immédiate», lit-on dans ce communiqué.