L'épidémie de coronavirus en cours oblige à un brutal retour à la réalité, celle de la condition humaine face à des phénomènes aussi imprévisibles que dévastateurs. En l'espace de quelques jours, la collectivité nationale est passée de la révolution systémique à l'exigence de réinventer une micro-gouvernance à l'échelle individuelle. Chaque citoyen est devenu responsable et comptable de ses faits et gestes. La sanction encourue est fulgurante et sans appel et peut décimer son propre entourage. Il ne s'agit plus de montrer aux autres la voie à suivre, mais de mesurer au centimètre près son propre parcours et le circonscrire dans son «espace vital». Les mesures de précaution redécouvertes aujourd'hui vont sans doute devenir permanentes, dès lors que les dérèglements à l'échelle planétaire, que l'on croyait réduits à ceux du climat, ne font que commencer à produire leurs effets dans la vie de chaque individu. En plus de la prise de conscience aiguë sur les conséquences de ses actes les plus anodins, l'homme réapprend l'humilité et la solidarité. Il y a une quinzaine de jours, un policier portant le masque de protection était l'objet de railleries et de stigmatisation. Aujourd'hui, il n'est plus perçu comme un adversaire, mais un concitoyen et un fonctionnaire réquisitionné pour l'intérêt de la collectivité. Il accompagne, à présent, les équipes médicales spécialisées, un autre corps professionnel qui inspire autant de reconnaissance et de respect au sein de l'opinion publique. Elle devait être éminemment politique, l'époque se révèle urgemment sanitaire. La mondialisation a culminé dans le profit, elle s'affaisse dans les risques et les périls sur la santé publique. Quand la pandémie du Covid-19 sera dépassée et le vaccin mis en place, d'autres catastrophes ne manqueront pas de poindre à l'horizon soudainement sombre du monde. Le lien est rarement fait entre les tonnes de pesticides importées à bas prix, la «démocratisation» de l'agriculture intensive et l'explosion des cas de cancers. Des populations qui tiraient leur subsistance de l'agriculture vivrière sont depuis des années méthodiquement empoisonnées par une production venue de terres inconnues et dopée par des substances prohibées dans les pays d'origine. Il ne s'agira plus d'encourager et de financer de grandes exploitations à l'abri des regards et des contrôles, mais de fixer les populations sur leurs terres en réalisant de simples équipements collectifs et des structures de base. Pour les futurs investissements dans le secteur de la santé, il apparaît que le volet infrastructurel et la dotation en appareils de très haute technologie ne sont pas suffisants pour faire face à des situations à haut risque vital, où les patients meurent d'une incapacité à respirer et fatalement d'un arrêt cardiaque. Les services de réanimation et les équipements élémentaires y afférents ont été oubliés dans le grand élan d'acquisition des moyens d'exploration dans un secteur manquant d'encadrement spécialisé.