Elles sont belles et pleines d'entrain. Les rameuses de l'USM Béjaïa, de l'Union sportive madinet Béjaïa, du RCK, du Rowing club de Kabylie et les filles de la Ligue de planche à voile de Béjaïa mettent les embarcations sur l'eau. Avec leur exaltation, le décor enivrant de l'anse ombragée des Aiguades épicera la régate. Pour une première à Béjaïa, la traversée féminine en kayak a rempli son contrat de manière très festive. Il s'agit, en ce sens, dira d'emblée Yazid Hassaïni, président de la ligue d'aviron et canoë kayak de la wilaya de Béjaïa, sans trop minimiser l'aspect compétition de la course, de mettre en avant une ambiance de spectacle. C'est d'ailleurs dans ce but que le choix du départ a porté sur le site des Aiguades. Une crique qui bat le record de fréquentations les week-ends. Et en ce samedi caniculaire, la plage des Aiguades est bondée de baigneurs. Beaucoup de familles. Une façon aussi de faire la promotion du sport de rame à Béjaïa, en plus de faire découvrir les lieux aux rameuses, spécialement les sociétaires du RCK. S'inscrivant dans la 23e édition de la Journée olympique, la traversée a réuni au départ 25 rameurs en solo en kayak, et, pour l'exhibition seulement 3 planches à voile et 3 optimistes. Le plan d'eau étant peu profond, le départ est avancé au grand large. Le spectacle est magnifique. Il est 15 h 50. Le soleil pointe en oblique dans une mer d'huile, faisant luire dans l'eau des milliers de perles aux couleurs vives des embarcations. Une légère brise venant de l'Est atténue le hâle. Le départ est donné une poignée de minutes après. Bon vent ! La consigne est donnée auparavant : il faut aller sur un rythme modéré. S'agissant plus de favoriser le côté spectacle, le parcours est rallongé de l'intérieur. La flottille va ainsi longer la promenade de la Brise de mer. Dès le cap de Sidi Yahia, un infime écart se creuse entre les bateaux. Le long de la promenade grouillant de monde, les regards s'arrêteront un bon moment sur l'image d'une escadre insolite. Une image qui rappellera pour deux Bougiotes quinquagénaires leurs anciennes armes dans le club d'aviron du Sport nautique de Béjaïa. Durant les années soixante-dix, les voiliers du club égayaient de couleurs le morne bassin du port. Le premier kayak franchira la ligne d'arrivée dans le môle du Sport nautique après 40 minutes. La fin de la course sera marquée par une exhibition en huit de couples aviron. La représentation est parfaite. La synchronisation des mouvements des rameurs également. On souquera ferme à des moments. La longue pirogue filera à vitesse grand V devant des mastodontes de cargos amarrés dans le grand môle du port. Le spectacle n'est que plus beau sur ce fond de toile, que constitue la ville en amphithéâtre. Belle démonstration des filles du RCK. Une cérémonie bruyante a clôturé la traversée. Des distinctions symboliques ont été remises par la ligue aux lauréats et aux encadreurs. Cette journée, aussi réjouissante soit-elle, ne saura à bien des égards masquer les difficultés matérielles rencontrées par les clubs dans l'exercice de la discipline. Bouaoud Abdelmadjid, président du RCK, à qui s'est joint la voix de Mme Benzouaoui, vice-présidente de la ligue de planche à voile de Béjaïa, soulèvent le problème de l'indisponibilité des équipements en Algérie. Ils sont contraints à composer avec un matériel à la fois vétuste et insuffisant. Un appel du pied est lancé en direction de la fédération, seule apte à leur assurer une dotation. Nos deux interlocuteurs ont, entre autres motifs, expliqué que seul un équipement fiable et en quantité peut entraîner une augmentation du nombre de pratiquants et fournir, par voie de conséquence, des effectifs dans la discipline pour les lycées sportifs. Yazid Hassani fait remarquer que la fédération a posé comme préalable à toute dotation, une domiciliation des clubs sur la jetée. Le matériel existe, soutient-il. Il s'agit de l'équipement utilisé durant les Jeux panarabes, et qui vieillit, stocké quelque part. Le président de la ligue d'aviron et canoë kayak en aurait alors fait la demande au wali. Sans être gourmand. Un seul et même lieu où tout le sport nautique (aviron, voile, subaquatique) sera pratiqué « sans contrainte ». Les ambitions ne manquent pas, mais sans un pied en mer « les choses ne peuvent démarrer ». Notamment ce projet de création d'une école locale d'aviron. Alors que « les compétences » existent en matière d'encadrement. Et un échange avec des clubs huppés, algériens et étrangers, est « possible ». Autrement dit, un échange d'expériences, l'organisation de stages, de compétitions de haut niveau… Le défaut de matériel a fait que la ligue de Béjaïa a déboursé pour cette course féminine 40 000 dinars dans le transport des bateaux à partir de Tizi Ouzou. Ramer dans le barrage de Taksebt Le club présente cette particularité de « mouiller » dans les eaux du barrage de Taksebt. A 15 kilomètres de Tizi Ouzou. C'est, dans le pays, la première formation d'aviron à prendre pour port d'attache un barrage. Sinon, tous les clubs sont domiciliés dans les grands centres urbains du littoral. C'est sous la houlette de Bouaoud Abdelmadjid, fondateur de l'école d'aviron d'Alger que le RCK a pu développer la pratique du sport de rame en dehors des villes côtières. Le club compte 65 licenciés. En majorité des filles, toutes issues du milieu rural. Elles habitent les villages environnants du barrage. Un exploit pour ainsi dire. Car il faut faire prévaloir une sacrée dose de crédibilité pour se voir confier des filles en milieu rural. La notoriété du RCK s'est matérialisée, au-delà du nombre de rameurs, par un palmarès. Pour une première année de participation aux compétitions, le club occupe deux fauteuils de champion. Deux filles sont classées championnes d'Algérie, en double scull, catégorie cadets.