L'éclipse longue et inexpliquée des clubs d'aviron et de voile du paysage nautique avait peint une toile du seul gris des cargos et des chalutiers, vieux rafiots que chaque réarmement de plus rapprochait du dernier souffle. On plante le décor. La monotonie est rompue : l'eau agate est striée de bleu, de jaune, de blanc et de rouge des longilignes pirogues de résine. Une myriade de couleurs emplissant tout le plan d'eau : il y avait là pas moins de 150 embarcations, toutes fournies par le sponsor Iselman (il en est le fabricant). Les organisateurs étaient là tôt le matin. Un peu nerveux, ils s'affairaient avec beaucoup d'entrain aux dernières retouches. Le moindre détail avait son importance pour la réussite de la manifestation, notamment en matière de sécurité des concurrents. Les rochers de brise-lames étaient tous pris d'assaut par des « spectateurs » qui, la plupart, ont fait toute la digue de la jetée jusque-là à pied (l'accès étant interdit aux voitures). Alignement des kayaks. Chaque participant prend place. Tee-shirt bleu ou grenat portant pour écusson le logo du sponsor, casquette blanche à longue visière, le gilet de sauvetage enfilé, on compte les minutes. 10h15, le coup de starter est donné. Les rames écument les flots. De l'autre côté de la ligne d'horizon, on attend. L'arrivée est prévue à 5 km de là, à l'est du port, sur le rivage du club hippique. L'endroit est envahi de monde. On patiente en jetant un œil à l'exposition scientifique, culturelle et sportive mise sur pied pour la même occasion par la fédération des associations des Ath Bimun et mettant en exergue les potentialités de la région. Les organisateurs sont sur le podium. On se laisse aller au déhanchement impulsé par de vieux airs locaux superbement exécutés par une zorna professionnelle. Mais tous gardent un œil rivé sur l'horizon bleu. La mer paraît calme, légèrement fouettée en surface par une brise est-ouest. Puis, soudain, des points orange scintillent au grand large. Ils prennent forme : ce sont les gilets de sauvetage. Maîtres nageurs et infirmiers du Croissant-Rouge sont à leur poste. 11h05, Seddik Aït Ouarab, 24 ans, est le premier concurrent en solo à mettre le pied sur la terre ferme. Il est à bout de forces mais heureux. Il est suivi de Mouloud Boucheffa, 26 ans, bien dans ses muscles (un ex-champion de Béjaïa de body-building). C'est alors une véritable flotte qui occupe toute la bande d'eau en face ; elle est protégée et canalisée sur les deux flancs jusqu'aux flotteurs de délimitation de l'arrivée par une chaloupe des garde-côtes et des hors-bord du sponsor. Nourredine, plagiste à Boulimat qui n'en est pas à sa première participation à une traversée en canoë, décerne une bonne note à cette course. « Pour une première, c'est réussi », dira-t-il. Les derniers athlètes arrivent et mettent fin au « débarquement ». Un vent de force 2 les poussait de tribord vers la jetée, ce qui avait fortement ralenti leur progression vers le club hippique. Une franche participation féminine est enregistrée et la manifestation a totalisé zéro accident. Place à la zorna pour que la fête continue. Bon vent les régatiers.