L'admission du Premier ministre, Boris Johnson, en soins intensifs suscite une forte inquiétude au Royaume-Uni. Elle montre à quel point le coronavirus peut durement atteindre des sujets en bonne santé, qu'ils soient anonymes ou puissants. Lundi 6 avril, «au cours de l'après-midi, l'état de santé du Premier ministre s'est détérioré et, sur le conseil de son équipe médicale, il a été transféré au service des soins intensifs de l'hôpital», selon son porte-parole. Avec le prince héritier Charles, qui est rétabli, Boris Johnson est l'une des plus de 50 000 personnes testées positives au Royaume-Uni depuis le début de l'épidémie. Près de 5400 d'entre elles en sont mortes. Diagnostiqué positif au Covid-19 le 27 mars, le chef du gouvernement conservateur avait refusé de s'arrêter de travailler, depuis ses appartements de Downing Street. Depuis l'annonce de sa maladie, Boris Johnson continuait à diriger la riposte du gouvernement en quarantaine, depuis son appartement de Downing Street, d'où il postait des messages vidéo sur Twitter appelant ses compatriotes à rester chez eux. Certains commentateurs jugeaient que le chef du gouvernement aurait dû se reposer. Au bout de 10 jours, dimanche, et alors que ses symptômes persistaient, il avait été hospitalisé «pour des examens». Une «mesure de précaution», officiellement. Le quotidien de gauche The Guardian affirmait lundi que «Johnson était plus gravement malade que lui ou ses fonctionnaires n'étaient prêts à l'admettre, et a été vu par des médecins inquiets de sa respiration». Pour certains titres, il lutte carrément pour sa survie. Quelques heures à peine avant l'annonce de son admission en soins intensifs, le chef de la diplomatie, Dominic Raab, avait assuré qu'il avait passé une «nuit tranquille» à l'hôpital St Thomas, dans le centre de Londres, et qu'il restait «en observation». «Son moral est bon» et «il continue à diriger le gouvernement», avait-il assuré durant la conférence de presse quotidienne de l'Exécutif, pressé de questions sur la capacité du Premier ministre à exercer ses fonctions malgré la maladie. «Cela ne fait aucun doute que la tournure prise par les événements signifie que Boris Johnson est gravement malade», estimait lundi soir Derek Hill, professeur d'imagerie médicale à l'University College de Londres, cité par Science Media Centre. D'après une source gouvernementale, le Premier ministre reste «conscient» et son transfert, intervenu vers 19h (heure locale), a été décidé «par précaution au cas où il aurait besoin d'un respirateur». Le Pr Hill affirmait avoir des renseignements selon lesquels il bénéficie d'un «type d'assistance respiratoire appelé ventilation en pression positive continue (CPAP), communément employé dans le traitement de l'apnée du sommeil obstructive. L'expérience en Italie et dans d'autres pays européens montre que le CPAP peut être efficace pour les patients atteints du Covid-19, au moins dans un premier temps». «Le Premier ministre a reçu un soutien en oxygène et il reste sous étroite surveillance», mais il n'a «pas été placé sous respirateur», a indiqué Michael Gove, n°2 de facto du gouvernement, sur la radio LBC, hier matin.La reine Elisabeth II est tenue informée de l'état de santé de son Premier ministre, selon le palais de Buckingham. Et Dominic Raab, ministre des Affaires étrangères, le remplace «là où c'est nécessaire», a précisé le porte-parole de Boris Johnson. La première tâche pour Dominic Raab a été de présider hier la réunion quotidienne d'urgence regroupant des ministres, le principal responsable médical et le conseiller scientifique. Connu pour n'avoir jamais ménagé sa peine, l'excentrique politicien avait tenté de masquer ses atermoiements face à la crise sanitaire en clamant n'avoir aucune crainte de monter en première ligne. «J'ai serré la main de tout le monde», y compris de malades, déclarait-il le 3 mars en racontant sa visite à un hôpital. Bien que ce ne soit pas là qu'il ait contracté la maladie, vu le délai d'incubation, «Boris Johnson a ignoré les conseils sanitaires à ses propres périls», commentait The Independant quand le diagnostic est tombé fin mars. Son obstination à rester aux commandes n'avait aucunement surpris les Britanniques : ni ses partisans qui louent son engagement ni ses adversaires qui critiquent son ambition dévorante.