En allant de Touggourt vers Souk Tzioua, le marché populaire de Touggourt, vous ne pouvez pas rater la boutique de ammi Hocine. Elles sont encore six devantures d'ateliers de poterie à proposer des produits à l'ancienne. Trois familles sont détentrices de ce savoir-faire ancestral, les Abi Miloud, les Kherfi et les Bellahammou. Notre hôte est né en 1926 et reste actif et vif, sa boutique est modeste mais son principal attrait est le couscoussier de Touggourt et la petite brique jaune rosée typique à Oued Righ, qui revient à la mode grâce au mouvement de restauration et, ne serait-ce que pour cela, notre maître potier mérite le détour. Ammi Hocine, la poterie et vous c'est toute une vie… C'est toute l'histoire de ma famille qui a été façonnée par la poterie. J'ai 85 ans et je suis fier de mon métier, hérité de père en fils. Chez les Bellahammou, nous avons toujours vécu de l'argile, les moyens sont modestes mais, Elhamdoulillah, je suis né et je mourrai dans l'argile et je laisserai 4 filles et 2 garçons potiers et beaucoup de petits-enfants nés avec l'argile. Nous vivons sobrement de nos produits qui sont purs, sans additifs chimiques. Les gens aiment encore nos tasses et nos gargoulettes, mais notre produit-phare est le couscoussier. Le couscoussier en argile... Ce n'est pas démodé, fragile... Démodé, non, et pas plus fragile que du verre, mais sans doute meilleur pour le couscous, le plat incontournable de Touggourt. Il se décline en plusieurs plats dont le grain de couscous gros, moyen ou fin est la base. Nous fabriquons donc différents formats de couscoussiers. Même la sauce verte de bendrag (pourpier) typique, à Touggourt, se prépare dans le bas du couscoussier en argile. Notre argile est typique, El Magtaâe, la carrière d'argile se situe entre Touggourt et Temacine, nous ne payons que le transport, 500 DA la carriole et 1200 DA le tracteur. Nous utilisons deux quintaux d'argile par semaine pour la confection de gargoulettes, bekharate, drabek, tajines et quelques objets de souvenirs que nous vendons au marché hebdomadaire et dans notre petite boutique. Vous faites aussi de la brique traditionnelle... Oui, bien sûr, c'est un produit utilisé par les rares boulangeries traditionnelles de Touggourt et surtout dans la construction. Les gens qui restaurent de vieilles maisons arabes nous l'achètent pour les mosquées, les façades des ksour, mais nous espérons que ce produit soit valorisé et connu sous la dénomination de Touggourt, qu'il soit imposé dans la construction. Elle n'est pas belle cette brique jaune rosé ? Elle est magnifique et évoque celle de Tozeur ; mais à votre avis, pourquoi Touggourt n'est pas parée de sa brique ? Est-ce un problème de coût ? La brique de Touggourt est marginalisée et peu connue. Seuls les connaisseurs et quelques autochtones l'utilisent et avec la tendance actuelle à la modernisation, il faut être « mthakef » (cultivé) pour ne pas céder à la pierre taillée et la faïence. Le besoin en briques traditionnelles ne se fait ressentir que quand il y a une vieille bâtisse à restaurer ; là, on en commande en nombre, mais c'est faible et ponctuel. Mais je vous assure que le prix n'y est pour rien, elle coûte 6 DA la petite et 8 la grande. Votre métier reste artisanal à 100%... Ma poterie est traditionnelle à 100%, mes enfants ont modernisé les formes, utilisent du vernis et des couleurs, participent aux salons, moi je continue avec les cruches et ustensiles de cuisine à l'ancienne. Comme vous le constatez, l'argile passe par le concassage manuel avant d'être trié et mis à tremper dans le « majen », la cuve de trempage où il restera deux jours, après il passera dans une autre cuve remplie avec 2/3 d'argile trempé et 1/3 de sable fin. Après, on passe au pétrissage, le façonnage, le séchage puis la cuisson. Pour rentabiliser notre four, nous confectionnons 6 quintaux de produits, dommage que vous soyez passé après l'extinction du feu, les photos n'en auraient été que plus belles.