Les autorités du pays veulent-elles en finir définitivement, par la force, avec la protestation des familles des disparus ? Les forces de l'ordre ont empêché violemment, hier, les familles de disparus de tenir leur rassemblement hebdomadaire. Les mères des disparus, qui sont habituées, chaque mercredi depuis 12 ans, à tenir un rassemblement devant le siège de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (CNCPPDH) à Alger, risquent fort d'être privées de ce lieu qui est devenu, au fil des ans, une place symbolique de la lutte des familles de disparus. Ordre a été donné de ne plus laisser ces femmes tenir leur sit-in. Le Pouvoir veut « tourner » la page du drame des disparus, mais les familles s'y opposent fermement. Hier matin très tôt, un impressionnant dispositif de sécurité était déployé, bouclant tout le périmètre. Les mères des disparus, toutes vieilles et usées par le drame qui les a frappées, arborant les portraits de leurs proches disparus, étaient surprises de cette présence inhabituelle des forces de l'ordre, qui ont interdit brutalement à la trentaine de femmes d'arriver à hauteur de la place Addis-Abeba. Les mères des disparus résistaient ardemment, mais « le rapport de forces était inégal ». Deux animateurs de SOS Disparus ont été embarqués par la police avant d'être relâchés dans la journée. Les manifestantes, qui se sont repliées dans le siège de SOS Disparus, à Alger-Centre, ont dénoncé « la violence des plus hautes instances du pays faite aux familles des disparus ». Lors d'un point de presse donné juste après le face-à-face avec la police, Fatima Yous, présidente de SOS Disparus, a accusé le président de la CNCPPDH, Farouk Ksentini, d'être derrière cette interdiction. « La veille, j'ai reçu un appel téléphonique m'annonçant que le rassemblement hebdomadaire que nous organisons depuis le 2 août 1998 allait être interdit. Et c'est Ksentini qui en est l'instigateur, mais nous lui disons, à lui et au pouvoir qu'il représente, que nous n'allons pas abandonner notre combat pour connaître la vérité sur nos enfants », a déclaré Mme Yous. Elle a indiqué qu'en s'attaquant « à ce lieu de rassemblement, si sacré pour les mères des disparus, l'Etat veut donner le coup de grâce à ces familles » et, par ricochet, « il veut éliminer ces femmes à coups d'actions pernicieuses dans l'espoir de les voir renoncer à leur combat pour la vérité et la justice ». De son côté, Mme Lakhel, de la même organisation, a affirmé que « tant que le sort de nos enfants n'est pas connu, nous ne céderons pas ni devant les menaces ni devant la répression », ajoutant que « si le Pouvoir veut mettre un terme à ce drame et que nous rentrions définitivement chez nous, qu'il nous montre où sont enterrés nos enfants. Qu'il nous remette leurs ossements pour pouvoir faire le deuil et leur ériger une sépulture. Mais, tant qu'il se dresse contre notre quête de la vérité, nous ne renoncerons jamais ». Pour Mme Boucherf, les autorités du pays « se trompent » lourdement si elles pensent que les indemnités sont la solution à la question des disparus. « Notre combat est juste, nous le mènerons jusqu'à la mort », a-t-elle martelé. Les nombreuses femmes qui se sont retrouvées au siège de SOS Disparus disent ne pas comprendre « la brutalité avec laquelle le Pouvoir agit à l'égard des vieilles femmes qui réclament pacifiquement la vérité sur le sort réservé à leurs enfants ».