L'Algérie dispose d'un confortable matelas de réserves de change estimé, fin janvier 2005, à un peu plus de 44 milliards de dollars, selon une source proche de la Banque d'Algérie. L'envolée des cours pétroliers, qui, de l'avis de tous les experts, caractérisera durant plusieurs années encore ce marché très vulnérable aux conjonctures, portera les recettes algériennes d'hydrocarbures, et par voie de conséquence les réserves de la banque centralisatrice en caisses, en l'occurrence la Banque d'Algérie, à des niveaux record. Elles atteindront, selon les estimations de notre interlocuteur, environ 58 milliards de dollars d'ici la fin de l'année en cours, si le prix moyen du baril est de seulement 30 dollars durant l'année en question. Et tout porte à croire qu'il dépassera allègrement ce prix. Cette tendance à l'accumulation des réserves de change vient d'être confirmée par le Fonds monétaire international (FMI) qui estime que les avoirs en devises de la Banque d'Algérie atteindront près de 95 milliards de dollars d'ici avril 2009. Cette accumulation sans précédent de réserves de change, que certains membres du gouvernement brandissent comme un trophée, ne manque toutefois pas de susciter de légitimes interrogations sur les difficultés des entreprises à mettre ces ressources au service de leur développement en raison des conditions qui leur sont imposées pour des devises dont elles ont besoin afin de financer les approvisionnements et investissements qu'elles doivent acheter à l'étranger. Il leur est, en effet, fait obligation de détenir dans leur compte l'équivalent en dinars des financements en devises demandés ou de se faire solvabiliser par leurs banques en mobilisant des crédits auxquels elles n'ont évidemment droit que si leur situation patrimoniale est viable. En l'absence d'institutions financières (fonds de placements, fonds de garantie, banques d'investissement à long terme) qui puissent accompagner les entreprises qui ne réunissent pas tous les critères d'octroi de crédits à l'importation par les banques commerciales, l'écrasante majorité de nos entreprises se trouve exclue de la possibilité d'utiliser les réserves de change, pourtant largement disponibles. Plus de 600 entreprises seraient dans ce cas, uniquement pour le secteur public économique. Et c'est précisément ce nombre élevé d'entreprises non éligibles à la convertibilité commerciale du dinar qui est à l'origine de l'accumulation démesurée des réserves de change dont notre économie ne peut bénéficier pleinement. Depuis que l'Etat s'est, en effet, désengagé des activités de commerce extérieur, ce sont les entreprises économiques, notamment celles du secteur privé, qui assurent le gros de nos importations. Depuis la promulgation en 1990 de la loi sur la monnaie et le crédit et la signature de l'accord de stabilisation macro-économique avec le FMI, les entreprises ne peuvent en aucun cas financer, comme ce fut le cas dans les années 1980, leurs importations par le biais du budget de l'Etat (Trésor) qui pouvait activer à volonté la planche à billets pour fournir aux entreprises et autres institutions les dinars requis pour assurer les transferts en devises exigés par les fournisseurs. Il faut savoir qu'avant la signature de cet accord, l'Etat, qui avait le monopole du commerce extérieur, importait directement ou par le biais des entreprises publiques aussi bien les produits de consommation courants que les intrants et les équipements de production. Les dinars nécessaires aux conversions en devises étaient fournis à satiété par le Trésor public qui empruntait sans compter à la Banque d'Algérie. Le résultat a été comme on le sait désastreux, aussi bien pour le gaspillage qu'il avait généré dans les entreprises qui n'avaient pas conscience de la valeur des produits payés par le Trésor, que pour la détérioration des comptes publics à laquelle la boulimie d'importations avait conduit. Préjudice Faute d'entreprises qui remplissent les conditions d'accès direct ou au moyen de crédits bancaires aux devises, il y a donc un véritable risque de thésaurisation des réserves de change dans un contexte de très fort besoin en devises pour refaire partir la machine économique algérienne, longtemps handicapée par l'insuffisance des ressources en devises. Afin que le système de convertibilité commerciale du dinar, auquel toutes les entreprises algériennes sont tenues de souscrire, puisse bien fonctionner, il y a lieu de trouver le moyen de solvabiliser le maximum d'entre elles pour les rendre éligibles au change commercial. Des banques d'investissement et des fonds de garantie devront nécessairement être créés à cet effet. Ces institutions qui font cruellement défaut à notre économie pourraient être financées par les capitaux oisifs détenus par certaines caisses sociales (Caisses des retraites et d'allocation chômage, par exemple) ou, pourquoi pas, par l'épargne de nos émigrés qu'il est possible de mobiliser au moyen d'un emprunt obligataire ou de la constitution d'une banque qui leur sera spécialement destinée.