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Revendeurs de bijoux sur le marché informel : Sur les pas perdus du métal jaune
Publié dans El Watan le 09 - 08 - 2010

Le marché parallèle de l'or constitue, à Alger, un gagne-pain pour des gens en quête de pitance, notamment les chômeurs. Un risque auquel peuvent être confrontés le revendeur ou l'acheteur est la contrefaçon.
Un marché marqué par la discrétion, où il n'y a pas de place pour ceux qui s'intéressent, rien que par curiosité, aux transactions. Il faut acheter ou revendre et le plus tôt sera le mieux. Se contenter de parler ou d'observer relève de l'intrusion. Les revendeurs travaillent chacun à sa manière. Il y a ceux qui ont leurs clients et qui savent auprès de qui s'approvisionner. Les acheteurs et les revendeurs se connaissent et échangent des informations concernant les fluctuations des prix. Ils ont aussi leurs lieux de rencontre. Se connaître ainsi, c'est instaurer un climat de confiance pour être à l'abri de tout éventuel désagrément, à commencer par l'arnaque. Ils activent surtout dans leur quartier. Entre-temps, il y a d'autres vendeurs qui préfèrent travailler seuls, chacun dans son petit coin habituel d'une rue. Une rue qui ne grouille pas de monde. Dès qu'une personne passe en ce lieu, ils l'interpellent discrètement : « Voulez-vous acheter des bijoux en or ou de l'or ? » ; « Avez-vous de l'or ou un bijou en or à vendre ? » C'est le genre de questions qu'ils susurrent. Ils n'abordent pas les gens empruntant le chemin en groupe. L'or qui circule, selon des revendeurs rencontrés pour la plupart grâce à un intermédiaire, provient de Syrie, de Turquie, d'Italie, de France, de Libye et de Dubaï (Emirats arabes unis). Il y a aussi ce qu'ils appellent la casse locale ou importée, surtout de France. Brahim, 40 ans, orfèvre, bijoutier, a fini par se convertir en revendeur. « Fabriquer des bijoux, aujourd'hui, ne rapporte pas d'argent. Je préfère me lancer dans la revente. Le marché, ces derniers temps, est stationnaire. Les gens n'achètent plus comme par le passé. La vie est chère.
Actuellement, la parure la moins chère revient à 15 millions. Aujourd'hui, quand un jeune prépare son mariage, il s'entend avec ses beaux- parents et sa fiancée sur la question de la parure. La solution consiste à en louer une auprès d'un bijoutier pour 3000 DA la journée, le temps de la cérémonie du mariage. Il y a même ceux qui empruntent des bagues de fiançailles auprès de leurs cousines ou autres proches pour sauver les apparences durant la fête. L'argent économisé ainsi servira à meubler la maison ou acheter une voiture, par exemple », explique-t-il. « Je préfère travailler en payant cash. Cela me permet de négocier le prix à la baisse. La marchandise achetée à crédit revient plus cher. De ce fait, elle nous prend du temps pour l'écouler et, entre-temps, la marge bénéficiaire diminue. Aujourd'hui, c'est l'or de la casse qui est le plus demandé. Il coûte 2400 DA le gramme. Les prix ne sont pas stables, ils changent chaque jour. Les prix varient selon la qualité de la marchandise. Il y a l'or ordinaire (c'est le produit fini à l'exemple d'une chaîne), le luxe et le superluxe. Ainsi, les prix oscillent entre 2400 et 10 000 DA le gramme. Cela dépend de la qualité et de la marque », ajoute-t-il.
Contrefaçon et absence de facturation
Dans ce genre de transaction, observe le même interlocuteur, il n'y a ni garantie ni facture : « Chacun travaille à ses risques et périls. Il faut avoir de la chance, de l'expérience et tisser des relations de confiance pour ne pas être arnaqué. Il y a de l'or contrefait. » Dans l'opération d'alliage, « pour 18 carats on ajoute 35% de cuivre et d'argent. Cependant, il y a des gens qui trichent au point de fondre des pièces de 10 DA anciennes, du plomb, du cuivre pour que le métal soit plus lourd. Le bijou fabriqué avec le métal obtenu par cet alliage, par exemple une bague, se fissure puis se casse ». Outre l'expérience, pour connaître la qualité du métal, « on recourt au bijoutier ou on utilise la pierre de touche et l'acide nitrique ». Comment est testé le métal avec l'acide nitrique et la pierre de touche, appelée aussi touchau ? La pierre se présente sous la forme d'une petite tablette lisse que le vendeur peut même mettre dans sa poche. Le revendeur effectue des stries d'une dizaine de millimètres sur la pierre avec le métal à soumettre au test, de manière à y laisser des traces. Sur celles-ci est versée une toute petite quantité d'acide nitrique. Au bout de quelques secondes est obtenu le résultat : si l'empreinte reste d'un jaune brillant, le métal n'est pas contrefait ; si la couleur est sombre ou le métal disparaît en nettoyant la pierre, cela signifie que la qualité de l'alliage est suspecte.
Chômage et misère sociale
Ahmed, la cinquantaine, est revendeur. « Nous connaissons nos clients. Nous ne travaillons pas avec les personnes que nous ne connaissons pas et n'achetons jamais du métal ou des bijoux volés », indique-t-il. « Nous gagnons notre vie pour l'essentiel avec des orfèvres qui ont des ateliers, des particuliers âgés ou des bijoutiers. Aujourd'hui, c'est surtout la casse qui est demandée parce que les bijoutiers vendent plus cher. Ils ont des frais à couvrir comme les impôts. Nous voulons, de notre côté, gagner notre vie. Nous activons la plupart du temps dans notre quartier », précise-t-il. Concernant la qualité du métal, il estime rare de trouver l'or massif sur le marché. « Si nous en trouvons, il s'agit d'or algérien qui date d'un passé très lointain. Nous n'en avons jamais vu de qualité meilleure. Les bijoux fabriqués avec ce métal sont lourds », relève encore Ahmed. Cela dit, « le marché réserve des surprises. A première vue, le métal paraît brillant. Les yeux finissent par déchanter après le test de qualité effectué à l'aide du touchau et du nitrate. L'alliage peut contenir du plomb, du cuivre, de la pierre, du bronze.... C'est de l'or contrefait », conclut-il.
Halim, la quarantaine, estime que c'est le chômage qui pousse les gens à pratiquer un tel commerce : « Il n'y a pas de travail. Quand nous voyons la situation des diplômés de l'université, cela nous inquiète. Nous devons gagner notre vie en revendant de l'or. Il y a des orfèvres qui exercent dans leurs propres ateliers, des bijoutiers. » « Nous gagnons notre vie aussi avec des pères de famille du quartier. Ce sont des voisins. Il y a des moments où ils se retrouvent dans une situation qui fait qu'ils ont besoin d'argent, ce qui les contraints à vendre une partie des bijoux de la famille. Comme ils ont confiance en nous, ils nous les vendent », ajoute-t-il. « Il y a des personnes qui reçoivent de l'or de l'étranger. Elles nous le cèdent et, à notre tour, nous l'écoulons auprès des bijoutiers avec lesquels nous avons l'habitude de travailler. Notre règle est claire : nous gagnons notre vie seulement avec les gens que nous connaissons. » Farid, 35 ans, active dans une rue où les revendeurs abordent à voix basse les passants pour leur proposer leurs bijoux ou leur en acheter. Dans sa sacoche, de l'acide nitrique contenue dans une petite bouteille en plastique et une pierre de touche rectangulaire de couleur noire. « Cette pierre provient d'Italie. Je ne sais pas de quoi elle est faite. Ce dont je suis sûr, c'est qu'elle me protège contre les arnaqueurs. Je suis au chômage et je pointe chaque jour dans cette rue. Dès que je vois une personne passer toute seule, je l'interpelle discrètement et lui propose ce que j'ai à vendre ou je lui demande si elle a quelque chose à me céder. La quantité de marchandise en ma possession varie entre 10 et 20 grammes », nous dit Farid.


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