C'était plus qu'ils ne pouvaient supporter : des commerçants de Bab El Oued ont baissé le rideau de leurs magasins, dans l'après-midi de lundi, avant de se déplacer au commissariat pour protester contre la prolifération inquiétante des marchands informels et l'indifférence des autorités locales. Une délégation a été reçue par le chef de la sûreté de daïra qui a promis de « prendre en main le problème », mais les protestataires n'y croient pas trop tellement la situation, assènent-ils, perdure en dépit des assurances des autorités. Des rues de plusieurs quartiers voisins de la place les Trois horloges, devenues un grand bazar, sont occupées toute la journée et une bonne partie de la nuit par des vendeurs. Tout y est écoulé : de la marchandise douteuse, mais aussi de la drogue. « Il nous est plus possible de nous déplacer dans notre quartier (Trois horloges) qui ne nous appartient plus. Le moindre empan est occupé par des jeunes qui écoulent, couteau à la main, leurs babioles », s'indigne un habitant qui affirme ne plus reconnaître le quartier de Bab El Oued qu'il a quitté depuis plusieurs années avant d'y retourner pour gérer son local « complètement assiégé » par des vendeurs. « Pourquoi un tel phénomène n'est pas signalé à Hydra ? Les vendeurs délogés ailleurs prennent pied chez nous, obstruant l'entrée des immeubles et les devantures des magasins. Aucune autorité ne s'en soucie ; ni le P/APC, ni le wali délégué qu'on ne voit presque plus jamais, ni la police qui laisse faire. L'actuel maire a pourtant déclaré être disposé à délocaliser le marché, mais depuis deux ans rien n'a été fait », poursuit notre interlocuteur, en affirmant que la situation dure depuis plus de 10 ans. En cause aussi, le comportement des vendeurs. « On ne peut plus rester en famille en raison des injures et des grossièretés proférées sous nos fenêtres. Des bagarres éclatent aussi entre des bandes rivales chaque jour. Avec le Ramadhan, notre quotidien n'en sera que plus difficile », assure un protestataire. Les riverains de la place les Trois horloges signalent l'apparition de « dealers » qui prennent possession des lieux. « Déposer un étal n'est qu'un prétexte, les dealers écoulent, sans être inquiétés, leurs marchandises. La police assiste sans broncher », informe un habitant qui affirme que des bandes « versées dans la prostitution et la vente de drogue » ont été interpellés, mais le phénomène perdure. Des résidants du quartier craignent que la situation ne dégénère si les autorités ne prennent pas en main le problème du marché informel. « Que l'on finisse avec ce problème une fois pour toutes, ou bien qu'on nous laisse faire. Ce sont les habitants du quartier qui vont se faire justice. Ce n'est pas dans nos mœurs de brûler des pneus. On a même proposé aux policiers de les accompagner, et de leur faciliter la tâche », relève un commerçant qui signale que le marché aux puces a été délogé, mais les vendeurs ont tout juste traversé la rue pour se regrouper de l'autre côté de la chaussée avec le même attirail. Les responsables promettent de les déloger. Le seront-ils pour de bon ? Rien n'est moins sûr, craignent les protestataires. Malgré nos insistantes sollicitations, il nous était impossible de recueillir les avis des responsables de la commune et de la wilaya déléguée de Bab El Oued. « Les élus sont en réunion ou en congé », s'est-on contenté de nous répondre.