Avec la crise de la Covid-19, le monde entier est entré dans des phases conjoncturelles de plus en plus jalonnées de dépressions. Le monde va connaître la dépression la plus grave de son histoire d'après crise de 1929 : une réduction du PIB mondial d'environ 6%. Les Etats du monde entier sont en train de confectionner des plans de riposte pour ralentir les détériorations puis relancer les économies. On assiste à une continuité dans les doctrines des économistes néoclassiques. Lorsque l'économie fonctionne bien, on demande de réduire le périmètre de l'Etat et on prône de minimiser son ingérence dans le mode de fonctionnement économique. Lorsque la situation se complique, on implore l'Etat de secourir les entreprises et les institutions à coûts de centaines de milliards de dollars. Les puristes diraient que le secteur privé aurait dû développer des systèmes d'assurance contre les catastrophes types Covid-19 et bénéficier d'allocations compensations d'activités. Mais il y aurait toujours des millions de PME/PMI qui ne se seraient pas assurées contre ce fléau. Nous remarquons beaucoup de similitudes, mais quelques différences entre les types de riposte dans le monde. Nos experts sont probablement en train d'étudier les types de réactions et de s'inspirer des meilleures pratiques. Il est fortement recommandé d'analyser les réussites des différents pays. Mais il ne faut pas oublier que certaines pratiques sont dangereuses à transposer. Nous avons de la chance que la vaste majorité des politiques économiques et des pratiques managériales soient transposables. Mais parfois nous aurions de graves problèmes si nous prenions les mêmes décisions qu'ailleurs, alors qu'elles réussissent dans leurs contextes et pas dans le nôtre. Nous allons nous livrer partiellement à cet exercice en évoquant les types de ripostes dans le monde et en évaluant ce qui est dangereux à transférer dans notre pays. L'exercice est utile et pourrait nous éviter bien des déboires en faisant attention aux mécanismes de «transférabilité» des différences pratiques. Les actions les plus communes La crise a causé d'énormes dommages aux entreprises mal préparées à l'affronter. Celles qui vivent sur le fil du rasoir en termes de couverture de leurs besoins en fonds de roulement se sont aperçues de leurs vulnérabilités. Les grandes entreprises, qui mettaient de côté des ressources pour pouvoir résister un à deux ans à de drastiques baisses de l'activité, s'en sortent mieux. Bien sûr que leurs ressources sont investies dans des actifs non risqués et ne sont pas oisives. Mais la vaste majorité des PME/PMI ne pouvait pas s'offrir le luxe d'un choc si brutal de plusieurs mois. Et les ripostes conçues pour ce tissu d'entreprises, qui sont la colonne vertébrale de toute économie, sont appropriées pour ces pays tout comme pour le nôtre. La décision de différer et de réduire les redevances et les cotisations sociales pour les entreprises affectées serait une option minimale. Tout comme le report des paiements des dettes, intérêts et principal, et leur rééchelonnement. La garantie par l'Etat de nouveaux prêts pour éviter l'effondrement de l'activité serait aussi une mesure sensée, d'ailleurs adoptée par la majorité des états dans le monde. Ces mesures seraient dans l'ensemble sensées et transférables dans une large mesure à presque tous les Etats de la planète. Les options concernant les salaires sont beaucoup plus difficiles à concevoir et à mettre en œuvre. D'ailleurs, différents pays avaient opté pour des mesures divergentes. Le paiement d'une aide sous forme d'une somme unique (Etats-Unis), l'instauration d'un revenu minimum (Espagne), l'aide au chômage partiel (France) ne sont qu'un échantillon de mesures prises dans ce domaine. Il y a des divergences historiques et culturelles dans le domaine de l'aide à la sous-activité en période normale. Ces différentes approches ont donné lieu à des réactions diverses en période de crise. Nous devrions disposer d'une approche particulière et fonder une réponse appropriée à notre situation. Souvenez-vous du filet social du début des années 90'. Nous avions conçu un dispositif en quelques mois qui devait nous permettre d'aider les familles les plus vulnérables en période de libéralisation des prix dont certains ont été multipliés par dix. Malgré les inévitables couacs, le dispositif a aidé à amortir le choc. Nous aurions dû accélérer le processus de ciblage des catégories les plus vulnérables, dont le système d'information qui devait voir le jour est bloqué depuis six ans. Ce qu'il faut éviter Nous avons pris un temps considérable pour concevoir l'opération de ciblage sans pour autant la finaliser. Ceci arrive pour une ou deux raisons. La première, c'est lorsque les ressources, l'organisation, l'autorité et le management de l'opération ne sont pas au niveau de la mission. Cette dernière est grandiose et les moyens mobilisés et son management sont dérisoires. La seconde pourrait être le désir de réaliser un travail impeccable proche de l'idéal dès les premiers moments de son exécution. Dans une opération pareille, mieux vaut concevoir un schéma approximatif au début qu'il faille faire évoluer au fur et à mesure. Lorsque nous aurons les listes concernées par le ciblage, on pourra y inclure les personnes employées, mais qui vont se trouver éjectées de leur job à cause d'un choc extérieur comme celui de la Covid19. On pourrait leur payer une partie du SMIG tant que le problème demeure. Ceux qui œuvrent dans le marché parallèle seraient provisoirement inclus dans le dispositif, comme les personnes fragiles bénéficiant de l'appui de l'Etat. Ce serait l'occasion rêvée pour les inclure dans les activités officielles une fois la pandémie levée. Mais le problème le plus important demeure l'appui à la relance économique par les dispositifs publics. Une fois le début du déconfinement enclenché, l'Etat devrait opérer une relance économique par le biais de la dépense publique. C'est là où les erreurs les plus graves furent commises dans de nombreux pays en voie de développement, y compris le nôtre. Lors des différents plans de relance économique des vingt dernières années, le gouvernement a été induit en erreur par de nombreuses institutions et de nombreux économistes. On lui a suggéré de relancer l'économie par le biais de la construction d'infrastructures (le hard) : logements, routes, etc. En effet, c'est ce que font les pays développés. Mais transférer cette pratique est dangereux. Parce que nous avons des entreprises et des institutions sous-gérées, ceci va induire de la corruption, des restes à réaliser, des malfaçons et plus de 70% des ressources seront perdues. L'économiste qui vous conseillera un ciblage de cette nature est bon parce qu'il va donner des marchés, créer plus d'emplois, induire moins d'importations et le taux d'intégration est élevé comprend peu de choses à l'économie. Il faut raisonner en termes de FCS (Facteurs-clés de succès) et non ciblage et intégration. Il faut alors qualifier les gens à tous les niveaux, rendre les institutions plus efficientes et puis par la suite leur donner des marchés. Faire l'inverse, c'est les enivrer d'argent et détruire le pays. On met alors la charrue avant les bœufs. Attention, la relance par les infrastructures est un conseil dangereux, malvenu, souvent formulé par des économistes qui ne font pas la différence entre les pratiques transférables et celles qui ne le sont pas. La relance par les activités productives (agriculture, industrie, tourisme, etc.) pourrait fonctionner mais à des conditions drastiques : très rapidement et en parallèle, financer une industrie du savoir qui va mettre à niveau tous les fondements déstructurés de l'économie nationale (management déficient, bureaucratisation, centralisation excessive, organisation globale peu cohérente et des tas de dysfonctionnements qui peuvent faire déraper l'opération si on ne le prend pas en charge très rapidement). Le ciblage doit privilégier la mise à niveau des entreprises et des institutions non économiques d'abord. La relance d'une économie non mise à niveau est un scénario à bannir : l'effet boomerang risque d'être dévastateur.