Quelque 500 hommes armés ont mené un raid meurtrier contre un village habité par des agriculteurs issus de tribus africaines, tuant 60 d'entre eux au Darfour (ouest), rapportent des médias. Il s'agit de l'incident le plus sanglant d'une série qui s'est produite la semaine dernière dans plusieurs parties du Darfour, dans l'ouest du Soudan, où depuis des années des violences opposent, sur la question sensible des terres et de l'eau, les tribus nomades arabes aux agriculteurs issus de tribus africaines. Selon l'Organisation des Nations unies (ONU), les 500 hommes armés ont attaqué samedi la localité de Masteri, à 48 km de la capitale provinciale d'Al Geneina, au Darfour-Ouest, tuant plus de 60 personnes, en majorité de la communauté Masalit. Plusieurs maisons dans le nord, le sud et l'est du village ont été pillées et brûlées ainsi que la moitié du marché local, a indiqué dimanche le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) de l'Onu à Khartoum. «Il s'agit du dernier d'une série de 7 incidents violents entre le 19 et 26 juillet, laissant des dizaines de morts et de blessés et qui se sont traduits par des villages et des maisons brûlés ainsi que des marchés et des magasins endommagés» dans cet Etat, a précisé l'Onu. Au Darfour-Sud, au moins 20 paysans ont été tués vendredi par des hommes armés alors qu'ils revenaient sur leurs champs après plus de 15 ans d'absence, selon un chef de tribu locale. Ces paysans avaient été autorisés à revenir sur leurs terres au terme d'un accord conclu il y a deux mois, sous l'égide du gouvernement, avec ceux qui s'y sont installés durant le conflit au Darfour. Face à cette situation, le Conseil de défense et de sécurité, la plus haute instance sécuritaire du pays, s'est réuni. «Nous devons utiliser la force pour protéger les citoyens et leurs propriétés. Les forces de sécurité vont être envoyées de Khartoum dans les régions où se produisent des troubles pour assurer la sécurité des habitants», a déclaré dans un communiqué le ministre soudanais de l'Intérieur, Eltrafi Elsdik. Spirale La guerre civile au Darfour est présentée comme un conflit opposant les tribus «arabes» et les tribus «noires-africaines» non arabophones. En février 2003, des groupes rebelles, le Mouvement armé de libération du Soudan (MLS/ALS) et le Mouvement justice et égalité (MJE), entreprennent des actions pour obtenir une meilleure répartition des richesses. Le gouvernement réplique avec violence et utilise entre-temps des milices arabes, particulièrement les janjawid. Le 5 mai 2006, l'accord de paix d'Abuja (Nigeria) a été signé entre le gouvernement soudanais et l'ALS. Mais les autres groupes rebelles ne sont pas signataires de ce traité. Les affrontements se poursuivent ainsi dans la région. Le gouvernement «justifie» les fréquents bombardements aériens en assimilant les victimes aux rebelles qui ont refusé de signer la «paix» d'Abuja. Le Conseil de sécurité de l'Onu a exigé le désarmement des janjawid en 30 jours. Le 31 juillet 2007 est adoptée la résolution 1769 et la Mission des Nations unies et de l'Union africaine (Minuad) est chargée d'assurer la protection des civils et restaurer l'Etat de droit. Ancien procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Luis Morano Ocampo a lancé, le 4 mars 2009, un mandat d'arrêt contre le président soudanais Omar El Béchir pour «crime contre l'humanité». En février dernier, les nouvelles autorités chargées d'assurer la transition vers un régime civil ont décidé de remettre l'ex-Président à la CPI pour répondre d'accusations de «génocide» et «crimes de guerre» durant le conflit au Darfour. Le nouveau gouvernement, issu d'un accord entre militaires et meneurs de la contestation, a entamé en octobre 2019 des pourparlers pour un accord de paix avec des groupes rebelles et ainsi mettre un terme aux conflits dans les régions du Darfour, du Kordofan-Sud et du Nil Bleu. Selon l'Onu, la guerre civile au Darfour a fait au moins 300 000 morts et 2,5 millions de déplacés.