On ne sait plus par où commencer l'évocation des innombrables malheurs des malades cancéreux. « Les gens que nous assistons au niveau du centre anticancéreux du CHU de Constantine ont besoin d'un soutien psychologique permanent pour faire face à leur handicap moral et apprendre à vivre avec leur maladie, alors qu'ils se trouvent confrontés à une série interminable de problèmes », nous affirma un membre de l'association d'aide aux cancéreux Oncologica, fondée en 1991 et qui active au niveau de l'Est algérien. Entre leur domicile, le centre d'accueil d'El Khroub et les services de chimiothérapie et de radiothérapie, les malades dont certains viennent même des wilayas lointaines du Sud, vivent de longs calvaires au quotidien. En sus des déplacements coûteux, ils doivent d'abord passer par le fameux protocole médical dans une structure qui n'arrive plus à recevoir le nombre impressionnant des cas venus des 22 wilayas de l'est et du sud du pays. Dénicher une place relève parfois du miracle, cela avant d'entamer un long parcours pour réaliser les analyses et les prélèvements demandés. L'intervention chirurgicale demeure, le cas échéant, le passage le plus redouté des malades. Certains pourront attendre deux à trois mois et même plus pour passer sur le billard. Un retard synonyme d'une évolution irréversible d'une maladie impitoyable qui doit être traitée au premier stade, ce qui provoque un état de panique indescriptible chez les cancéreux. Ces derniers, et faute d'une prise en charge convenable, et sur conseils de certains médecins du CHU, se trouvent dans l'obligation de prendre le chemin des cliniques privées où des chirurgiens sans scrupules en profitent pour les écorcher vivants pour des sommes dépassant parfois 120 000 DA. Certains cancéreux nous ont avoué qu'ils ont même tout vendu pour être opérés, comme dans une partie de poker. Revenant encore une fois vers le CHU de Constantine, si l'intervention chirurgicale aura bien sûr réussi, le malade, toujours sous le choc, devra passer l'épreuve de la chimiothérapie. Le passage à la radiothérapie, selon le protocole prescrit par les médecins, est, quant à lui, une autre étape où il faudra vraiment avoir du souffle et de la patience. Les conditions dans lesquelles des malades sont transportés du centre d'accueil d'El Khroub, sans même une nourriture leur permettant de tenir durant la journée, sont déplorables. Certains d'entre eux reviennent parfois bredouilles après... douze heures d'attente. Même les malades hospitalisés ratent parfois leur radiothérapie en raison d'une programmation défaillante, sans évoquer le comportement et le traitement indigne infligé en contrepartie de la part de certains médecins. La plupart des cancéreux sont issus de familles aux revenus modestes et souffrent en silence. Seuls l'accès aux cartes de soins gratuits et la possibilité de rembourser des paniers de médicaments trop chers permettent à ces familles de respirer. Mais cela demeure encore un autre chemin à parcourir.