Alors que des centaines de maladies représentent, et dès l'apparition de leurs premiers symptômes, une urgence médicale, il est quasi impossible au patient de se faire soigner dès le premier mois à cause du grave déficit en spécialistes et en structures de soins. Au niveau des cardiologues de la wilaya de Constantine, il faut attendre au minimum 30 jours pour décrocher un rendez-vous pour une simple consultation. Un délai fatal chez un patient qui présente les symptômes d'une maladie cardiovasculaire (MCV), à titre d'exemple. Chez des cardiologues, bénéficiant d'une certaine notoriété, pour une raison ou une autre, cette attente peut prendre deux mois. Pourtant, il s'agit de consultations chez des praticiens privés. Dans le secteur de santé publique, CHU ou autres centres spécialisés, se voir consulter par un spécialiste est un cas rare. Souvent, c'est aux internes qu'incombe cette mission. Ainsi, il n'est pas rare de voir des hypertendus rendre l'âme dans la salle d'attente des cabinets médicaux ou dans les salles d'attente des hôpitaux constantinois. Quand on sait que les maladies cardiovasculaires sont, aujourd'hui, la première cause de mortalité en Algérie, en particulier chez la tranche d'âge de 35 à 54 ans, on saisit l'ampleur de ce drame lié à la prise en charge tardive des patients. La situation va empirer les prochaines années, à cause du rajeunissement de ces maladies cardiovasculaires avec le tabac et l'apparition de nouvelles habitudes alimentaires. “Pour les MCV, le malade doit être mis sous traitement rapidement car le sérieux de ces pathologies impose une prise en charge urgente sinon le malade fera automatiquement des complications”, selon Malika M., cardiologue à l'Est du pays. Toujours selon cette dernière, le risque d'un œdème pulmonaire ou d'une attaque cérébrale n'est pas loin. Ainsi, à l'image d'une grande partie des villes algériennes, il ne fait pas bon de tomber malade “du cœur” à Constantine. En plus des maladies cardiovasculaires, la prise en charge des cancers cause aussi problème dans toute la région est du pays. Pour cette lourde pathologie, seule la santé publique assume la charge. À Constantine, il existe une seule structure CAC (centre anticancéreux) pour prendre en charge tous les malades de l'Est du pays. En plus des aléas du coût et de l'attente, lorsque les appareils enregistrent des pannes, ce sont tous les rendez-vous qui sont décalés. À ce stade, dans le cas où l'espace temps entre la séance de chimiothérapie et celle de radiothérapie dépasse un mois et demi, les malades sont obligés de refaire tout le traitement de la chimiothérapie. Une situation qui entraîne des perturbations dans le suivi de la thérapie avec un grand risque d'une rechute fatale à la survie du malade. La structure CAC de Constantine est loin de répondre aux attentes d'un service hospitalier lourd, en raison de la saturation qui conduit au manque d'hygiène, d'approche humanisée, etc. La bonne volonté des responsables du CHU ne peut rien, face à un état des lieux comateux et qui découle d'une politique nationale de soins belliqueuse plus que de moyens. À titre illustratif, selon une source hospitalière, il est diagnostiqué 200 nouveaux cas de cancer par mois à l'Est du pays, ce qui fait plus de 2 000 nouveaux cas par an. Quand on sait qu'il s'agit de malades qui sont, en plus de leur pathologie physique, très fragiles psychologiquement, on comprend que cette défaillance dans les conditions générales de la prise en charge est pour beaucoup dans le taux élevé de mortalité. “Un cancéreux, chez nous, meurt beaucoup plus à cause du cadre désagréable de prise en charge que des effets directs de la maladie elle-même”, nous précisera un psychologue. Par bonheur, toujours dans la ville du Vieux rocher, il existe une association, Ancologica, créée en 1991, qui cherche à compenser ce déficit à travers l'aide matérielle et psychologique des malades. “On est là pour satisfaire le malade et faire le maximum avec l'ensemble des intervenants qui veillent sur la prise en charge des malades dans un environnement difficile”. En conclusion, l'urgence n'est pas d'organiser des séminaires mais plutôt de renforcer les disponibilités en ressources humaines suffisantes et qualifiées (cas des MCV) et en infrastructures spécialisées (cas des CAC), pour une meilleure prise en charge des malades. C'est une question de priorité, de rationalité et d'assistance à population en danger de mort.