Au même titre que la rentrée scolaire sur laquelle planent des incertitudes concernant la date de son lancement officiel, la rentrée sociale, également retardée, s'annonce avec son lot de dossiers lourds à prendre en charge. Elle intervient sur fond de crise sanitaire avec tout son impact sur le plan socioéconomique et dans un contexte de difficultés financières après un été marqué par le manque de liquidités. La dernière décision de la Banque d'Algérie (BA) de baisser le taux de réserve obligatoire de 6 à 3%, face au problème de liquidités illustre clairement la complexité de la situation. Un problème qu'explique le ministre des Finances, Aymen Benaderrahmane, par le ralentissement de l'économie depuis mars dernier. L'objectif d'une telle décision, tel qu'expliqué dans le communiqué de la BA est de «libérer, pour le système bancaire, des montants additionnels de ressources et mettre à la disposition des banques et établissements financiers des moyens supplémentaires en faveur du financement de l'économie nationale et du soutien de l'activité économique.» Appui aux entreprises La question phare qui se pose donc est l'appui aux entreprises pour laquelle une série de mesures a déjà été arrêtée lors de la conférence nationale des 18 et 19 août dernier. Des mesures qui sont aujourd'hui au centre des débats et des préoccupations sans qu'elles se concrétisent réellement sur le terrain, notamment pour la première phase, dont la finalisation est prévue avant la fin de l'année. Depuis cette conférence annoncée en grande pompe et tenue en présence des différents acteurs de la sphère économique, les déclarations d'intention se sont enchaînées. Sans plus. A chaque sortie officielle, les représentants du gouvernement soulignent la nécessité de redémarrer la machine économique faisant valoir le rôle de l'entreprise. Le Premier ministre, Abdelaziz Djerad, l'a d'ailleurs rappelé le 13 septembre depuis Annaba où il a donné le coup d'envoi des épreuves de l'examen du baccalauréat 2020. «L'entreprise industrielle, qui produit de la richesse et de la valeur ajoutée, constitue le pilier de l'économie nationale», a-t-il affirmé. Et de préciser que la politique industrielle du programme du président Abdelmadjid Tebboune s'appuie sur une approche s'articulant autour de trois axes, à savoir la méthodologie en matière de gestion, l'orientation vers un management moderne dans le fonctionnement de l'entreprise et l'abandon de la gestion administrative et bureaucratique. Or, sur ces trois points, le retard est criant et de nombreux dysfonctionnements sont relevés à tous les niveaux. Ce qui est à l'origine de la vulnérabilité des entreprises aux chocs comme c'est le cas actuellement avec la crise sanitaire et de la perte d'emploi. A ce sujet, faudrait-il rappeler que l'enquête du ministère du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale sur l'impact de la Covid-19 sur le marché du travail fait ressortir que 200 000 travailleurs sont sans ressources, 50 000 emplois perdus, retards de paiement pour 180 000. L'enquête en question a concerné 3600 entreprises employant près de 440 171 travailleurs. Donc, ce n'est qu'un échantillon. Situer les priorités Les conséquences sont encore plus lourdes, surtout dans certains secteurs où l'activité est toujours au ralenti, à l'image des transports. D'où la nécessité de l'avis d'un expert de prioriser les mesures d'urgence au lieu d'enchaîner les annonces «expectatives qui n'auront pas d'impact dans l'immédiat». «Il faudrait plutôt tenter de relancer les secteurs à fort potentiel d'emplois, comme le BTPH pour éviter une crise dans les prochains mois, quitte à reprendre la planche à billets», préconise notre interlocuteur pour qui les prochains mois s'annoncent des plus difficiles. «Avec une rentrée scolaire retardée et des dépenses limitées pendant l'été en raison du confinement, la pression ressentie habituellement sur les dépenses en septembre a été reportée à octobre, voire novembre. D'ici là, ceux qui sont sans ressources et sans-emploi auront consommé leur épargne. Il se retrouveront dans des conditions difficiles, alors que les entreprises sont en détresse et n'auront pas les moyens de faire face à leurs charges», analyse-t-il. Avant d'ajouter : «C'est cette situation qu'il fallait anticiper lors de la conférence nationale sur la relance de l'économie.» «La situation est très compliqué en ce moment», témoigne d'ailleurs Mohand Touazi, industriel. Une autre entreprise spécialisée dans l'accompagnement et le conseil des opérateurs économiques pour leur participation aux différentes manifestations économiques dédiées à l'agriculture et l'agroalimentaire vit également des jours difficiles. «Nous n'avons pas travaillé depuis le mois de mars, tous les rendez-vous et autres expositions du secteur ont été reportés. Du coup, nos partenaires ne font pas appel à nos services. Nous misons sur le retour des salons virtuels pour relancer notre activité de manière progressive. Mais la reprise s'annonce timide», nous confie Hakima, gérante de l'entreprise. C'est dire que la situation est loin d'être rassurante et que les mesures bancaires et fiscales annoncées n'ont pas eu d'effet. C'est dans ce contexte que du côté du gouvernement, l'on évoque la transformation économique et même l'intégration de l'économie algérienne dans les chaînes de valeur mondiales. Mais faudrait-il assurer les conditions. «Intégrer l'économie dans les chaînes de valeur mondiales passe d'abord par l'intégration du marché financier international. Ce qui n'est pas le cas», explique encore notre spécialiste en développement social et économique. Aussi, pour tirer pleinement profit du potentiel économique existant, un soutien efficace est attendu de la part des entreprises. L'économiste Mustapha Mekidèche le dit dans une de ses interventions : «Les gisements de croissance existent en Algérie mais il faut leur donner le soutien et l'accompagnement nécessaires pour aller vers la création de richesses et d'emploi.» Comment ? Nouveau code de l'investissement En réponse à toutes ces attentes, l'accent est mis entre autres sur le nouveau code de l'investissement, l'un des dossiers phares de la rentrée qui sera dévoilé en octobre prochain. La nouvelle mouture devrait, selon ses concepteurs, faciliter et encourager les investissements dans les secteurs public et privé. Parallèlement à ce changement, il est prévu le lancement d'une étude pour le recensement des capacités de production locale. Il s'agit en fait d'évaluer les niveaux de production et les capacités de transformation existantes sur le territoire national. Un chantier sur lequel les prédécesseurs de Ferhat Aït Ali ont déjà commencé à travailler sans pour autant aller jusqu'au bout. C'est le cas pour d'autres dossiers, à l'image de l'appui aux filières porteuses. Une question remise à l'ordre du jour. En effet, la mise en place d'un programme incitatif pour les producteurs locaux ayant atteint 60% d'intégration est également au menu du programme du gouvernement. Lequel mise par ailleurs sur l'élargissement de la base fiscale, la mobilisation des ressources, la numérisation de l'administration fiscale et le règlement de la problématique du foncier de manière «à rationaliser le déploiement industriel». Ce sont autant de questions sur lesquelles des changements sont annoncées dans le cadre du plan qui a fait l'objet d'une première rencontre gouvernementale début septembre. Il reste à savoir si les modalités de mise en œuvre (non encore dévoilées) et le calendrier seront respectés. Théoriquement, des mesures urgentes sont prévues avant la fin de l'année, une partie à court terme (2021). Entre ces deux phases, l'objectif escompté est la réduction à 20% de la contribution du secteur des hydrocarbures à l'économie nationale. Pour le moyen terme, la mise en œuvre devrait intervenir durant la période de 2022-2024. Le tout évoluera en fonction des priorités, des coûts nécessaires, des incidences, des acquis, des risques et des difficultés, selon le communiqué ayant sanctionné la rencontre des 18 et 19 août. Vu la situation financière du pays et toutes les lacunes en matière de gestion, des couacs risquent de freiner la réalisation de ce plan. Par Samira Imadalou