L'épidémie de coronavirus en cours a ceci de particulier et de douloureux qu'elle survient alors que le pays n'a pas encore mis en place un système de santé intégré et performant. Perdue dans la tourmente des crises politiques cycliques, la réforme de ce secteur névralgique n'a jamais été menée à son terme. Véritable serpent de mer de l'action gouvernementale, ce dossier lancinant a été brandi par les ministres successifs qui finissent par sombrer, en milieu de parcours, dans la promotion du charlatanisme et autres remèdes miracles. Cette dissipation de la gestion gouvernementale a subsisté jusqu'aux premières semaines de cette pandémie qui ne laisse pourtant aucune place à l'improvisation ou à la mystification, et qui n'a pas empêché le ministre en exercice de s'exprimer sur une vaporeuses découverte locale d'un vaccin anti-Covid-19. Quand le gouvernement ne s'occupe pas de diluer la question sanitaire dans des considérations extra médicales, il privilégie la méthode forte pour calmer les ardeurs ou l'exaspération des personnels relevant du secteur. Le pays a vécu, il y a près de trois années, un épisode qui aurait pourtant pu amener à structurer et adapter le système de santé aux exigences de performance et d'efficacité au bénéfice de la collectivité nationale. Il s'agit du mouvement des résidents, médecins spécialistes en formation. Ils constituent la majorité de l'encadrement spécialisé dans les hôpitaux publics. Après avoir testé la répression, les autorités ont lâché du lest au sujet de la question du service civil et de l'aide au loyer. Un mouvement qui offrait l'occasion de remettre à l'ordre du jour toute la problématique du secteur de la santé a été réduit à sa plus simple expression, ajournant les questions de fond jusqu'à la survenue d'une crise sanitaire comme celle qui sévit actuellement dans le monde. Dénominateur commun des différents départements ministériels, le développement infra-structurel, aux dépens de l'amélioration du niveau et de la qualité des prestations, a été privilégié pendant des années, avant d'être remis en cause et stoppé net par la chute des ressources financières du pays. Les projets de nouveaux CHU ont été gelés puis exhumés avant d'être définitivement abandonnés, au même titre que les chantiers de polycliniques lancés avant d'avoir remis en service celles déjà existantes. La véritable réforme du système de santé a été pourtant esquissée dans des interventions publiques des responsables du secteur, mais n'a jamais connu un début de concrétisation. «L'intégration du privé dans le système national de santé par une complémentarité entre les deux secteurs en matière de soins», évoquée ces dernières années, répond précisément aux attentes des citoyens. Les soins de qualité existent dans le pays, mais ils sont globalement prodigués dans des établissements privés évoluant en marge du système de protection sociale. Théorisées mais jamais mises en œuvre, la «complémentarité entre public et privé», et «l'extension de la contractualisation des prestations avec les organismes de sécurité sociale» revêtent un caractère d'urgence vitale. Le déni de la pauvreté risque d'être aussi dommageable pour le pays que l'épreuve épidémique qui inflige une double peine à de larges pans de la population. Advertisements