Comment voyez-vous l'issue de la question sahraouie à la faveur du nouveau contexte mondial ? Je suis optimiste, car nous ne sommes plus au temps des empires. Les petits pays de l'Europe de l'Est, qui étaient partie intégrante de l'empire soviétique, sont aujourd'hui membres des Nations unies. Les colonies et les petites îles du Pacifique, des Caraïbes sont devenues membres de la communauté internationale. L'exigence mondiale aujourd'hui est le respect des droits des peuples et de la démocratie. Nous considérons que l'occupation d'une partie de notre territoire par le Maroc est à l'opposé de cette marche du monde et de l'évolution internationale. Bien sûr, le Maroc jouit de certaines complicités et essaye, étant donné sa crise interne, de dévier l'attention du peuple marocain pour perpétuer son occupation du Sahara-Occidental, mais ce n'est que temps perdu parce que le peuple sahraoui aura son territoire et sa patrie. Les Etats-Unis, selon vous, n'ont-ils pas intérêt maintenant à favoriser le règlement du problème sahraoui, sachant leur projet visant à stabiliser le monde arabe ? Tout le monde a intérêt à voir la paix s'instaurer dans l'Afrique du Nord-Ouest. Et la globalisation nécessite aussi une certaine paix. Nous croyons justement que tous les partenaires du Maghreb essayent d'aider les parties en conflit à retrouver la paix. Sur ce point précis, la France, malheureusement, joue toujours un rôle très négatif dans la mesure où c'est le seul pays qui conforte le Maroc dans son intransigeance, ce qui est d'ailleurs très mauvais non seulement pour le Maroc, mais pour toute la région. Le mandat de la Minurso prendra fin le 30 avril. Selon vous, le Conseil de sécurité de l'ONU va-t-il le renouveler ? Bien entendu, le mandat sera renouvelé. Nous avons demandé au secrétaire général des Nations unies de nommer un nouvel envoyé personnel. Après la démission de James Baker, nous considérons qu'il est nécessaire de faire sortir le processus de paix de cette situation d'impasse. Et il faut que le Maroc revienne à la raison et honore ses engagements contractés avec nous et avec les Nations unies. Des ONG marocaines ont manifesté récemment pour demander la libération de leurs « frères séquestrés » à Tindouf ainsi que les prisonniers de guerre. Quel commentaire en faites-vous ? D'abord, il n'y a pas de séquestration. Le Front Polisario ne séquestre personne. Les prisonniers marocains sont là parce que le Maroc a envahi le Sahara-Occidental. Il y a eu une guerre meurtrière où des milliers de Marocains - soldats, officiers et sous-officiers - ont été emprisonnés. Le Maroc a nié l'existence de ces prisonniers de guerre et vous vous rappelez que, lors de la libération des prisonniers par le Front Polisario, dans le cadre d'un geste humanitaire, le roi du Maroc Hassan II avait refusé, en 1989, de les recevoir. Ce n'est qu'en 1997, après l'arrivée de Baker, et grâce à la pression de la communauté internationale, que le Maroc avait accepté de recevoir ses soldats. Nous n'avons jamais vu, depuis 1975 jusqu'à 2005, des partis politiques ou des ONG marocains parler de la guerre au Sahara-Occidental. Au contraire, ils l'ont toujours occultée. Et nous n'avons jamais vu des ONG, qui émergent du jour au lendemain pour manifester. C'est pour dire que c'est l'Etat marocain, ce sont les services de renseignement marocains qui, sous couvert d'ONG fictives, essayent de faire libérer les prisonniers de guerre marocains. Ces prisonniers sont victimes, comme les Sahraouis, d'une guerre injuste. Et s'il y a toujours des prisonniers sahraouis et marocains, c'est parce que le Maroc a refusé le plan de règlement qui prévoit l'échange de prisonniers de guerre. Concernant le tapage fait autour du camp de Tindouf et les « séquestrés », sachez que c'est là une démarche propre aux puissances coloniales et occupantes. La France aussi luttait contre des « fellaghas » et même les réfugiés algériens étaient des « hors-la-loi ». Le régime de l'apartheid considérait l'ANC et le SWAPO comme organisations terroristes. Aujourd'hui, heureusement, il y a les Nations unies (la Minurso) sur le territoire. Il y a des échanges. Le peuple sahraoui a une cause politique juste et lutte pour sa liberté. Concernant les prisonniers de guerre marocains, d'un peu plus de 2000, il ne reste que 400. Le Front Polisario les a libérés sans contrepartie, dans le cadre de sa volonté de libérer les prisonniers qui sont aussi victimes d'un génocide mené contre le peuple sahraoui. Qu'en est-il des contrats d'exploration accordés par le Maroc dans les zones offshore et ceux également accordés par la RASD ? Toutes les sociétés qui ont signé des accords avec le Maroc se sont retirées sauf Kirmadi, une société américaine. Et il y a de fortes chances qu'elle se retire.