L'ancien étudiant de l'Ecole supérieure des beaux-arts d'Azazga raconte, dans cet entretien, son parcours universitaire, les obstacles que l'art et l'artiste rencontrent en Algérie. – Qu'est-ce qui vous a motivé à entreprendre un parcours d'artiste ? Je pense que mon penchant pour l'art a commencé au CEM où je gribouillais déjà sur les tables et mes cahiers. Malgré mes bons résultats dans les matières scientifiques, j'étais complètement désintéressé par ce genre d'études et je ne voyais que le dessin comme voie à suivre. Une fois au lycée, je voyais mon parcours fixé car je voulais à tout prix rejoindre l'Ecole des Beaux-Arts. Mais ce fut un échec lors de la première tentative, vu que je n'ai pas eu mon bac. Cela ne m'a pas découragé, puisque j'ai rejoint l'Ecole des beaux-arts d'Azazga, après avoir réussi le concours d'admission en 2008. Mon travail était apprécié par le jury, ce qui a boosté mon enthousiasme à entreprendre cette nouvelle aventure. La peinture ne m'était pas étrangère. Du coup, une fois les études entamées, je me suis senti comme un poisson dans l'eau. Je me suis engagé dans les arts plastiques. Je suis tombé amoureux de la peinture, de la sculpture et du design. J'ai fait 4 ans d'études dont 3 ans en tronc commun et un an de spécialité. Je suis un grand fan de Van Gogh et de Claude Monet. Leurs travaux m'inspirent énormément. J'ai été inspiré par eux tout en adoptant ma vision combinée au style de l'expressionisme dans mes toiles. J'aime bien laisser mon empreinte dans chacun de mes travaux. J'aime refléter la réalité en portrait et cela m'a amené à travailler sur La Casbah d'Alger, la Kabylie et le Sahara. Dans chacune de ces régions, je découvre des couleurs qui me fascinent. Je ne connais pas de limites dans l'usage des palettes et chaque tableau dégage une atmosphère à lui et provoque en moi un sentiment différent. J'aime tout ce qui est profond, philosophique et tout ce qui permet de voir au-delà des choses. Je pense que la peinture est supposée porter un message et provoquer les sentiments de ceux qui la contemplent, mais malheureusement beaucoup de gens aiment le superficiel. – Racontez-nous vos débuts dans le domaine professionnel… J'ai fait mon premier pas dans le domaine professionnel à travers mon exposition individuelle à la galerie «Aïcha Haddad». J'ai travaillé aussi avec d'autres galeries dont la galerie «Le Paon», la galerie «Asselah Hocine» d'Alger centre. A l'initiative de la wilaya de Tizi Ouzou, j'ai participé à la création des statues des moudjahidine. J'ai réalisé la statue du moudjahid Slimane Dehilès. J'ai également participé à l'aménagement de la gare de train de l'aéroport où nous avons réalisé des tableaux et des peintures sur des murs. Ce que je déplore, c'est l'absence de financement et de soutien au profit de l'artiste. Pour acheter mes brosses et mes peintures, j'ai dû travailler d'arrache-pied dans la décoration d'un cinéma. Ce n'est qu'après avoir réalisé 30 toiles que j'ai déposé mon CV à la célèbre galerie «Aïcha Haddad». – Quels sont les obstacles que vous avez rencontrés une fois que vous avez obtenu votre diplôme ? Je pense que l'école n'a pas assez préparé ses étudiants à ce qui les attend réellement à l'extérieur, surtout les étudiants qui ont des problèmes financiers. Sans matériel, ils ne peuvent rien faire. Les galeries privées, en général, exigent un certain niveau, de l'expérience et un solide CV. Les étudiants des beaux-arts se plaignent du manque d'opportunités. Cependant, eux-mêmes, sans vouloir généraliser, ne produisent pas. Ils attendent que l'opportunité leur tombe du ciel. Il y a certains étudiants de ma promotion qui n'ont jamais participé à aucune initiative ou organisé une exposition. Mais ce qui me touche le plus, c'est le désintéressement des entreprises par rapport à l'art et aux artistes. – Selon vous, que pourrait-on faire pour promouvoir l'art dans notre société ? Du côté de l'éducation, je pense que l'art devrait être enseigné dans les écoles à partir du primaire. L'enfant a besoin de créativité afin qu'il puisse suivre sa vocation. Malheureusement, notre société ne connaît pas vraiment la valeur des artistes. Elle donne le titre d'artiste à certains qui ne le méritent pas. – Que pensez-vous du fait que nous possédons une Ecole supérieure des beaux-arts sans pour autant avoir un marché de l'art ? C'est exactement ce qui pousse nos étudiants à quitter le pays. Je ne les blâme pas pour ça. Les Algériens aiment importer de l'étranger, alors que nous avons un patrimoine artistique énorme qui, malheureusement, commence à s'éteindre. Si vous visitez la Kabylie, les Aurès ou le Sahara, ou n'importe quelle région de notre pays, vous verrez cela de vos propres yeux. Nous avons notre patrimoine à nous et je ne vois pas pourquoi ils aiment copier l'étranger. Advertisements