Palette ■ L'exposition en hommage à Aïcha Haddad se poursuit au Palais de la culture. Huit femmes, artistes peintres, rendent hommage à l'artiste plasticienne, Aïcha Haddad, en exposant leurs œuvres sur les cimaises de la galerie Baya. C'est une façon de dédier leur travail et leur sensibilité féminine à un symbole de la peinture artistique : la regrettée Aïcha Haddad qui s'est éteinte en 2005. Prenant pour emblème la Journée mondiale de la femme, le collectif, dont Kourdoughli Ahlam Baoudj Djohar, Menaâ Houria, Bendali Hacine, Chafika, Nehab Sabrina, Sahraoui Karima, Ghlamallah Nariman et Zahaf Hassina témoignent par cette exposition leur respect et considération à une dame de l'art algérien. Dans leur ensemble toutes autodidactes, comme l'était Aïcha Haddad qui a fourbi ses armes artistiques au sein de la Société des beaux-arts d'Alger quand sa famille est venue de Bordj Bou-Arréridj vers la capitale. Près de 50 œuvres aux sensibilités différentes caractérisent la perception de chaque créatrice et l'intensité personnelle. Chacune d'elles, selon l'émotion qui lui est propre, a représenté son langage intérieur par des tonalités et des couleurs intimes. Huile sur toile, aquarelle, acrylique se juxtaposent en un large éventail de thèmes offrant au regard la dimension symbolique et la discipline acquise au fil des ans de chacune des exposantes. Pour reprendre le thème privilégié des toiles de Djohar Baoudj, venue de France participer à l'hommage de Aïcha Haddad, qu'est le chant, l'exposition des 8 artistes peintres est un ensemble de vastes chants à la mémoire de celle qui a marqué le paysage artistique algérien. D'une grande douceur et humilité, Aïcha Haddad habitait avec sa mère et son frère dans un appartement situé à la rue Didouche. Elle avait quitté durant les terribles années 90, avec regret, son domicile et atelier du côté de Bologhine en face de la mer. Qui ne connaissait pas cette personne au visage serein, mais au regard empreint d'une certaine mélancolie... D'humeur égale, probe, nullement imbue de son succès, elle vaquait aux tâches quotidiennes que connaît une femme responsable de foyer, alors que sa notoriété dépassait les limites du quartier du Sacré Cœur. Les nombreux voyages à l'étranger, ses rapports avec des princesses et d'autres personnalités du monde n'altéraient en rien ses rapports humains avec autrui. C'est près de sa demeure qu'elle nous annonça sa «maladie»... C'est bien après sa disparition que sa sœur nous a appris qu'elle a connu le colonel Amirouche durant les années de maquis. En effet, elle est l'une des premières femmes à rejoindre les rangs de l'Armée de libération nationale (ALN). Elle participera au Congrès de la Soummam. Elle sera arrêtée par l'armée coloniale puis internée pendant plus de quatre ans. Celle qui a donné les plus belles années de sa vie de jeune fille à la Révolution algérienne est libérée en 1962, à l'Indépendance, elle s'installe à Alger et entame des études d'art, à la Société des beaux-arts d'Alger. Et c'est à partir de là que Aïcha Haddad entame sa carrière artistique, carrière jalonnée, jusqu'à sa disparition, de créativité et de reconnaissance. Aïcha Haddad, l'une des doyennes de la peinture algérienne, est partie sur la pointe des pieds, discrète comme toujours. Mais son œuvre demeure là, présente. Elle nous rappellera de cette artiste qui, considérée par les critiques comme un monument de l'art, a beaucoup donné à la culture en général et à l'art dans toutes ses expressions en particulier. Cela lui a permis de collectionner près d'une vingtaine de prix à l'échelle nationale et internationale. Aïcha Haddad est une artiste ancrée dans son histoire, rattachée à l'authenticité. Elle aimait peindre les cavalcades, les marines de Béjaïa... Le Sud, le Grand-Sud algérien l'inspirait beaucoup et exerçait sur elle une grande fascination. Grande admiratrice de Mohamed Racim, elle s'exerce également à l'art de la miniature et en réalise toute une série représentant différentes régions d'Algérie. Par ailleurs, Aïcha Haddad est poussée par un élan de créativité contemporaine : elle compose une série d'arbres effectuée à base de matériaux de récupération : l'arbre du futur qui, dans un bouquet métallique de clés, nous laisse entrevoir la vie comme un engrenage complexe de voies et de moyens, l'arbre de l'eau qui, enraciné dans la terre, restitue à profusion la vie dans de simples mouvements de robinets qu'il appartient à l'homme d'ouvrir et de fermer, laissant entrevoir la préoccupation si présente chez Aïcha pour la protection de l'environnement, l'arbre des poètes qui égrène au gré des vents des rimes et des vers.... En mars 2003, l'Etablissement art et culture de la Ville d'Alger institue un prix portant son nom et destiné à récompenser, annuellement, la meilleure peinture féminine. En hommage à sa carrière et son engagement au service de l'art, une salle du Musée national des beaux-arts d'Alger porte aujourd'hui son nom.