Depuis le lancement de la campagne nationale de vaccination contre la Covid-19, qui a pris énormément de retard comparativement à d'autres pays, notamment dans la région, le nombre de doses de vaccins toutes marques confondues (Astra Zeneca, Sputnik et Sinovac) réceptionnées – entre janvier et mai – avoisine les deux millions cinq cent mille doses. Une acquisition au compte-gouttes qui a fait que le taux de vaccination ne dépasse pas le 1%, selon plusieurs spécialistes. D'ailleurs, le ministère de la Santé refuse de communiquer les chiffres liés à cette campagne de vaccination. Les inscrits sur le site du ministère de la Santé pour la prise de rendez-vous attendent toujours. Selon le site américain de suivi de la vaccination mondiale «Covid-19 vaccine tracker», l'Algérie a administré 75 000 doses de vaccins sans aucune indication sur le nombre de personnes ayant eu la première dose ni sur le taux de la population complètement vaccinée. La plate-forme de suivi de la vaccination Vaccine Tracker estime alors : «Ces 75 000 doses représentent l'équivalent de 0,17 dose pour 100 personnes.» Le même site place l'Afrique en tant que dernier continent dans l'avancement de la vaccination de sa population contre la Covid-19 avec un taux de 2,2% par rapport au monde où le taux a atteint 5,5%. L'Algérie figure en dernière place de ce classement africain. En quatre mois, l'Algérie s'est fait livrer des quantités de vaccins très insuffisantes, que ce soit par la plate-forme Covax ou par les deux laboratoires avec lesquels des contrats ont été signés par l'Institut Pasteur d'Algérie, à savoir le russe Gameleya et le chinois Sinovac. Livrées en quatre expéditions durant toute cette période, les quantités du vaccin russe Sputnik V commandées, soit un million de doses au total, ne sont pas encore honorées alors que le délai fixé à la fin du mois d'avril a déjà expiré. Il reste encore près de 700 000 doses en attente d'expédition. Concernant la plate-forme Covax de l'OMS, la première livraison a été faite le 3 avril dernier avec une quantité de 364 800 doses et suivie d'un autre lot de 758 400 doses, le 22 mai dernier. Une troisième est attendue en ce mois de juin, selon le ministère de la santé. «Nous attendons en juin un autre quota de 758 400 doses, ce qui portera notre réception via le mécanisme Covax à plus de 1 880 000 doses», a rapporté l'APS, ajoutant qu'au total «l'Algérie aura acquis, d'ici la fin juin, 5,5 millions de doses. Un autre quota important sera réceptionné en juillet, août et septembre, pour être approvisionné régulièrement au fil des mois jusqu'à arriver à l'objectif que nous nous sommes assigné à la fin de l'année en cours». Est-ce suffisant pour atteindre l'objectif de vacciner 70 % de la population avant la fin de l'année en cours ? Compte tenu de toutes ces acquisitions, le ministère de la Santé semble confiant avec la multiplication des approvisionnements qui permettront à la campagne de vaccination d'atteindre sa vitesse de croisière. Au niveau de certains centres de vaccination à Alger, l'opération semble redémarrer, notamment avec le vaccin Astra Zeneca et celui de Sinovac. Pour sa part, le Dr Mohamed Yousfi, président de la Société algérienne des maladies infectieuses et chef de service à l'EHS de Boufarik, insiste sur l'importance de l'accélération de la vaccination qui est, selon lui, encore «très en retard par rapport aux autres pays». «Le ministère de la Santé projette l'acquisition de 5 millions de doses d'ici la fin juin, mais il demeure que c'est largement insuffisant au moment où d'autres pays sont au tiers ou plus de la population qui est vaccinée», a souligné le Dr Yousfi. Et d'ajouter : «Avec 1,4 million de doses déjà acquises, cela fait 700 000 personnes vaccinées, alors que l'objectif était de 20 millions. Ce qui est très loin de cet objectif, d'autant que nous sommes au cinquième mois du lancement de la campagne de vaccination. Nous avons besoin de 30 millions de doses de vaccins, voire 40 millions, surtout qu'actuellement même les adolescents sont concernés avec l'apparition des nouveaux variants alors que nous en sommes à 1,4 million (de doses) à peine que nous avons pu réceptionner depuis janvier.» Pour le Dr Yousfi, il est urgent de se mobiliser pour acquérir plus de doses de vaccin, surtout que «le contexte actuel est plus favorable pour s'en approvisionner, vu que les Etats-Unis et l'Europe ont eu des quotas largement suffisants pour leurs populations». Il estime qu'«au rythme où va la campagne nationale de vaccination, on n'arrivera pas à atteindre l'immunité collective d'ici la fin de l'année. Même si on arrive à avoir deux millions de doses par mois, on aura à peine un million de vaccinés». Il insiste particulièrement sur plus de transparence et de communication de la part du ministère de la Santé à propos de la vaccination, dont «nous ignorons tout, notamment le nombre de personnes vaccinées à ce jour, les calendriers pour l'arrivage des lots de vaccins et surtout la place des nouveaux variants dans cette épidémie par rapport à l'ancienne souche», a-t-il encore dit. Pour le Pr Réda Djidjik, chef de service d'immunologie au CHU de Beni Messous, il y a actuellement un engouement pour la vaccination, surtout avec l'ouverture des frontières. «Il y a un engouement ces derniers jours pour la vaccination. Si certains se font vacciner pour se protéger, d'autres pensent également au voyage et au passeport sanitaire qui leur facilitera leurs déplacements», a-t-il indiqué tout en précisant que de nombreuses personnes demandent le vaccin Astra Zeneca, dont les données sur les rares effets secondaires sont publiées et connues de tous. Abondant dans le même ordre d'idées, le Pr Kamel Djenouhat, président de la Société algérienne d'immunologie, affirme que toutes les données publiées sur le vaccin Astra Zeneca, dont beaucoup de monde se méfie, ont montré que le risque de faire une thrombose est 200 fois plus, si on attrape la Covid-19. «Le risque de faire une thrombose avec le vaccin Astra Zeneca est de 1 pour 100 000, alors que ce risque est de 200 pour 100 000 après une contamination au Sars-CoV-2», a t-il expliqué. Et de préciser : «Les rares cas de thrombose ont été enregistrés chez une population féminine prédisposée à l'auto-immunité.» Peu de données sont par contre publiées sur les effets secondaires des vaccins chinois Sinopharm et Sinovac, et russe Sputnik V. Advertisements