Si les incendies font partie de l'histoire de la forêt méditerranéenne, Djamel Belaid, ingénieur agronome, assure que ce qui est à craindre est l'action anthropique, c'est-à-dire la surexploitation de la forêt par l'homme. Selon lui, la repousse de la végétation dans les zones d'incendie va se faire dans un contexte de présence accrue de l'élevage. «Ces dernières années, la wilaya de Tizi Ouzou a connu un fort développement de l'élevage laitier. Or, les repousses risquent d'être la dent des animaux : vaches, chèvres et moutons», précise-t-il. C'est pourquoi, une repousse correcte en forêt nécessite un pâturage contrôlé. Par ailleurs, cette repousse va se dérouler dans un contexte de réchauffement climatique. A cet effet, le spécialiste explique : «La régénération dépend aussi du régime des pluies sur les différents versants forestiers. La dimension des incendies et donc la possibilité d'arrivée de graines à partir de la lisière est à prendre en considération». Aussi, et suite à chaque incendie, la fertilité des sols est remise en question. Et pour cause : si la cendre produite par la combustion des végétaux se traduit par l'enrichissement du sol en éléments minéraux qui profitera aux nouvelles plantes, le feu aura éliminé provisoirement une partie des insectes et autres invertébrés indispensables à la pollinisation et à la vie du sol. Toutefois, si ces feux sont ravageurs à tout point de vue, certaines espèces d'arbres et de plantes arrivent tout de même à bénéficier de ce dernier et de sa chaleur pour naître ou renaître de leurs cendres. A cet effet, Djamel Belaid affirme que dans ces écosystèmes, seules les espèces capables de renaître après le feu ont subsisté. «C'est par exemple le cas du chêne liège et du pin d'Alep dont le tronc est protégé par leur épaisse écorce», ajoute-t-il. Et contrairement au chêne, dont les glands tombent au sol, les graines du pin d'Alep restent longtemps prisonnières des pommes de pin à la cime des arbres. «La chaleur des incendies facilite la libération de ces graines. Comme elles sont munies d'une aile, leur dispersion est facilitée par le vent», explique le spécialiste. En ce qui concerne les autres espèces, M. Belaid assure que c'est le phénomène de rejets qui est prépondérant. La partie sous terre de ces plantes reste en vie même après l'incendie et pourront repousser par la suite. Il semblerait donc que ces incendies peuvent redessiner la végétation méditerranéenne. D'ailleurs, M. Belaid assure que ce sont les strates herbacée et arbustive qui sont les premières à se réinstaller après 3 à 5 ans. Mais ce n'est qu'après 20 à 30 ans que la forêt retrouve sont aspect initial. Cependant, dans le cas de feux rapprochés dans le temps, «les pins d'Alep n'ont pas le temps d'atteindre leur maturité et de produire des semences. Les forêts de pins laissent alors la place à de la garrigue», se désole-t-il. En ce qui concerne la question du reboisement, le spécialiste estime qu'il mérite d'être réfléchi. Pour lui, la période du reboisement avec une seule espèce telle le Pin d'Alep est à proscrire. En effet, des études universitaires ont montré que les reboisements avec de multiples espèces sont préférables. «Par ailleurs, avec le réchauffement climatique, le choix d'espèces adaptées s'avère primordial et nécessite de tenir compte des compétences existant au niveau des services forestiers», recommande-t-il. Selon lui, afin d'élaborer, aujourd'hui, les actions à mener, les forestiers développent des modèles informatiques incluant la sévérité des incendies et la dynamique de régénération à partir de zones ayant connu le feu. «Le reboisement nécessite également de prendre en considération le rôle économique que peut jouer la forêt», assure-t-il. L'utilisation du bois et l'élevage développé par les populations riveraines est donc à prendre en considération. Au final, M. Belaid estime que reboiser et entretenir la forêt en concertation avec les services forestiers revient principalement aux populations limitrophes et aux agriculteurs de montagne. «La forêt présente un effet bénéfique à tous. Aussi, cet entretien est à considérer comme un service écologique rendu à l'ensemble de la société, il mérite donc rémunération», conclut-il. Advertisements