A quoi serviront les prochaines élections locales quand tout le monde sait que les élus locaux disposent de bien piètres pouvoirs ? En Algérie, le pouvoir central décide de tout, ou presque. Les communes et les assemblées de wilaya sont impuissantes devant les walis qui, eux, ne font que répliquer une gestion rigide et centralisée. Effacées face aux pouvoirs de l'Etat central, les communes ont des prérogatives quasi nulles sur toutes les questions, allant de l'aménagement à la fiscalité en passant par d'innombrables domaines, tous décrétés «régaliens». Ce qui engendre, chez les élus locaux, une frustration chronique. Dans un pays où les exécutifs non élus, qu'ils soient centraux et ou de wilaya, concentrent une infinité de pouvoirs, que reste-t-il aux communes ? Pour aménager une rue communale pour ralentir la circulation, il faut l'autorisation du service administratif des travaux publics. Une politique énergétique ou une politique de l'eau ? Non. La commune doit se contenter de gérer l'état civil, collecter les déchets, entretenir les écoles publiques, colmater les fuites des canalisations d'eau et traiter les nids-de-poule des routes impraticables. Les élus le disent : on peut discuter un peu, mais à la fin, c'est toujours la wilaya qui a le dernier mot. On ne peut pas faire croire aux communes qu'elles ont de l'importance et au final décider de tout. Même pour la gestion des finances publiques, les municipalités dépendent totalement du budget alloué par l'Etat. Fait plus étonnant encore : les communes connaissent le nombre de foyers fiscaux sur leur territoire, mais elles n'ont pas accès à la taxation des citoyens et aux informations fiscales. Ces circonscriptions n'ont pratiquement aucune prérogative dans la gouvernance économique permettant de mobiliser les ressources. Des ressources qui proviennent quasiment des subventions. En Algérie, au-delà du monde politique, force est de constater que par goût du pouvoir, il y a une tendance innée à la centralisation. La centralisation est, par exemple, bien ancrée même dans les entreprises, petites ou grandes, alors qu'elle n'apporte guère de plus-value et peut même être contre-productive. La logique économique veut pourtant qu'un dirigeant, aussi compétent soit-il, ne peut pas toujours être le meilleur, ni avoir le temps nécessaire à disposition. Il devrait donc laisser le pouvoir de décision aux cadres les plus compétents, chacun dans son domaine. La Chine, pays pourtant réputé à pouvoir très autoritaire, a mené une large et pertinente décentralisation politique depuis les années 1970. Idem en Russie. L'Algérie a besoin d'une réforme constitutionnelle à la hauteur de la volonté des élus d'avoir du poids dans l'architecture institutionnelle et pas seulement servir de façade institutionnelle «démocratique». Outre la séparation des pouvoirs, l'Algérie a tant besoin de la décentralisation dans la gestion de l'Etat. Pour une meilleure gouvernance locale, il y a nécessité d'un transfert de compétences, de responsabilités et des ressources de l'Etat central vers des collectivités territoriales, dont les élus doivent disposer d'une réelle autonomie financière, de gestion et de prise de décision. L'Algérie profonde aspire à passer d'un système centralisé paralysant à une véritable décentralisation. La page du jacobinisme, qui paralyse le pays depuis 1962, doit être tournée. Advertisements