La naissance d'un livre, c'est toujours une victoire sur l'ignorance. Selon ce qu'il enseigne, de la science ou de l'histoire, de l'âge de la Terre ou du rêve de ses habitants, de la guerre ou de la paix, des progrès accomplis ou des régressions concédées, il ne peut être qu'une avancée dans la construction humaine. La construction de soi, l'épanouissement individuel et collectif, la mémoire collective d'une nation repose sur son vécu, son histoire librement transcrite, soigneusement répertoriée et conservée. La nation est une histoire et un destin collectif. Pour la nôtre, il en manquait des pans, ensevelis par une multitude d'interdits politiques et idéologiques. C'est pour cette raison que les mémoires de Slimane Lakhdar Bentobbal, écrites par l'historien Daho Djerbal, attendues avec ferveur et passion depuis des années, constituent indéniablement l'événement le plus marquant de l'année 2021. Le témoignage de Si Abdellah, le nom de guerre de l'enfant de Mila, vient assurément reconstituer une des pièces du puzzle de notre riche et dense histoire. Une part de notre histoire vraie, et sans fioriture. La rencontre entre un homme aussi bien témoin qu'acteur de premier plan du Mouvement national, du déclenchement de la Révolution du 1er Novembre 1954 et de la Guerre de Libération nationale, et un historien de haut rang n'a pas manqué le rendez-vous pour déterrer les inédits de notre cheminement douloureux et escarpé d'un pays colonisé vers l'indépendance. Cela n'aurait pas pu être possible sans l'engagement, la témérité et la persévérance de l'acteur et de l'auteur. Le livre Mémoires de l'intérieur, dont la première édition du 1er tome est totalement épuisée chez les libraires, a dû surmonter d'incroyables péripéties, des années durant, pour enfin voir le jour. La censure, car on ne peut l'appeler autrement, aurait voulu le maintenir indéfiniment dans le noir. L'auteur, l'historien Daho Djerbal, aurait voulu l'éditer bien avant. Déjà à la fin des années 1980. La maison d'édition algérienne lui avait demandé de supprimer tous les noms pour n'en garder que les initiales. Des éditions françaises voulaient, elles, que les deux tomes soient fusionnés en un seul, destiné au lectorat français. L'auteur a dû guerroyer contre les exigences éditoriales des uns et des autres et de multiples autres pesanteurs pour livrer un produit, le témoignage de Si Abdellah, répondant aux normes de rigueur qu'impose l'écriture de l'histoire, au principal destinataire : le peuple algérien. Les vérités qu'il contient bousculeront forcément certains mensonges bien établis. Il a replacé des faits et des événements essentiels dans la longue lutte des Algériens pour leur indépendance, autrefois relégués pour des considérations de pouvoir. L'histoire n'en est une que si elle est librement écrite, avec ses vérités. Mémoires de l'intérieur passionne déjà les Algériens... Advertisements