Depuis que le ministère de la Culture et de la Communication a été scindé en deux, Khalida Toumi cultive dans son coin et Boudjemaâ Haïchour communique dans le sien. Même si en réalité M. Haïchour cultive aussi le malentendu, et Mme Toumi communique aussi son indifférence. Mais bref. Jeudi dernier, les ministres se sont quand même rendus tous les deux à Annaba, le premier pour parler, au nom de l'Etat, la seconde pour assister à un concert, au nom du même Etat. Dans le cadre de l'opération Grand Pardon, dans un élan de miséricorde, le premier a amnistié les journalistes, mettant leurs « erreurs sur le compte d'erreurs de jeunesse ». Dans le cadre d'un partenariat, la seconde a dîné avec un ministre polonais. Pour le premier, avec tous les journalistes poursuivis et condamnés, certains battus, humiliés et d'autres torturés, n'aurait-il pas fallu aussi mettre ces erreurs de l'Etat sur le compte d'erreurs de jeunesse ? Pour la seconde, avec tous les chantiers à ouvrir et la culture à dépoussiérer, n'aurait-il pas fallu faire autre chose que d'annoncer de Annaba un projet de ballets algériens sur le modèle polonais ? Un Etat est un monstre froid, il ne fait pas d'erreurs. Pourtant, entre les 6000 personnes enlevées sans accusé de réception, les suppliciés d'Octobre 1988 et les journalistes arrêtés, Boudjemaâ Haïchour aurait dû aussi demander pardon au nom de son employeur, l'Etat, pour toutes ses erreurs de jeunesse commises. C'est à ce niveau que Khalida Toumi a un avantage sur Boudjemaâ Haïchour. Au chapitre des erreurs de jeunesse, il faut rappeler que la presse algérienne a le même âge que l'Etat algérien. A l'inverse, il faut aussi rappeler que la culture algérienne est beaucoup plus vieille que l'Etat algérien. Ce qui expliquerait pourquoi Khalida Toumi va peut-être rester et Boudjemaâ Haïchour va probablement partir. Question d'échelle de temps.