La première audience du procès de la cellule d'Al Qaîda en Espagne s'est achevée hier en début d'après-midi à Madrid, après l'interrogatoire d'un premier accusé, Jose Luis Galan, un Espagnol converti à l'islam, qui a nié toute appartenance au réseau terroriste d'Oussama Ben Laden. L'accusé s'est présenté comme un musulman « non violent » et « opposé au terrorisme ». Il a admis avoir bien connu le chef présumé de la cellule espagnole d'Al Qaîda, le Syrien Imad Eddin Barakat Yarkas, alias Abou Dahdah, mais ignorer s'il dirigeait un réseau de recrutement de jeunes musulmans pour les envoyer mener le djihad à l'étranger. Vingt-quatre hommes ont commencé hier matin à comparaître au plus grand procès contre Al Qaîda jamais tenu en Europe. Trois sont accusés d'avoir constitué une cellule terroriste active en Espagne et certains d'avoir collaboré aux attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis. Le chef de la cellule espagnole de la nébuleuse de Ben Laden est assez atypique. Ce commerçant aisé et pieux né en Syrie était, jusqu'à son arrestation en septembre 2001, une figure du quartier populaire madrilène de Lavapies, où furent recrutés bon nombre des auteurs des attentats du 11 mars 2004 à Madrid. Marié à une Espagnole convertie à l'islam, il passait pour un homme d'affaires avisé et pour un pratiquant sans histoires. Selon diverses sources, il était chargé, à partir d'octobre 1995, d'endoctriner et de recruter de jeunes musulmans pour la « guerre sainte » pour le compte d'Al Qaîda. La police espagnole a identifié au moins 12 candidats au djihad qu'il aurait envoyés s'entraîner dans les camps d'Al Qaîda en Afghanistan ou combattre en Bosnie, en Tchétchénie et en Indonésie. Abou Dahdah a plaidé son innocence pendant toute l'instruction. Pourtant, grâce à des écoutes téléphoniques, filatures et commissions rogatoires, la police ibérique a trouvé plusieurs indices le reliant à de hauts responsables d'Al Qaîda. Par l'entremise d'un collaborateur, Driss Chebli, il aurait organisé en juillet 2001 à Tarragone (nord-est) une réunion entre le chef des pilotes kamikaze, Mohamed Atta, et deux complices, ayant servi à régler les derniers détails des attaques-suicides contre les tours jumelles de New York. Cette accusation lui fait encourir une peine d'au moins 60 000 ans de prison pour « complicité active d'assassinats terroristes ». Par ailleurs, son numéro de téléphone à Madrid a été retrouvé en Afghanistan par les services secrets britanniques et dans l'appartement occupé jadis en Allemagne par Mohamed Atta et d'autres membres de la « cellule de Hambourg » impliquée dans les attentats de 2001. Ses anciens adjoints Amer Aziz et Saïd Berraj sont toujours recherchés pour leur rôle présumé dans la tuerie de Madrid, commise deux ans et demi jour pour jour après celle des Etats-Unis. Abou Dahdah est apparu très détendu au tribunal, souriant et échangeant des saluts avec les autres détenus. Il fait pourtant partie des trois accusés contre lesquels le procureur va réclamer des peines inédites de plus 60 000 ans de prison. Il encourt la peine cumulée de 62 512 années de réclusion pour « assassinats terroristes », 25 ans pour chacune des quelque 3000 victimes du 11 septembre. Le procès reprendra lundi.