Vu sous un certain angle, un tract diffusé la saison 1994-1995 à Oran paraît aujourd'hui prophétique au sujet de l'affaire dite « Frik Bachir ». « Il faut bien un jour que dans ce pays, ceux qui ont impunément usurpé et volé les biens du peuple et de l'Etat paient leurs crimes », est-il noté en conclusion et de manière tout à fait anodine dans une lettre ouverte à « l'opinion publique », tel que précisé par ses rédacteurs qui se sont à l'époque identifiés en tant que « cadres de la wilaya d'Oran, chefs de daïra et présidents de DEC (Délégations exécutives communales) (...) ». La lettre interpellant le wali ne porte pas d'accusations directes, mais un ensemble d'interrogations. Qu'est-il advenu des 105 logements EPLF (...) ? Qu'est-il advenu de la parcelle de terrain agricole sise à Saint-Hubert (...) ? Qu'est-il advenu du terrain de 13 000 m2 situé près du pont Zabana (...) ? Etc. Ce sont des questions posées à l'époque face à « l'ampleur des non-dits et rumeurs ». Celui qui a conservé ce document (si on peut l'appeler ainsi) a eu lui-même affaire à l'ancien wali auquel il s'est opposé, mais qui a tenu à garder l'anonymat. « Il a déjà assez payé comme cela et, aujourd'hui, il serait plus intéressant que les biens soient restitués à la communauté que de le garder en prison », a-t-il pourtant souhaité. Un avis partagé par d'autres. Il estimera que le fait de rapporter les propos déjà tenus à Oran par Kada Hezil constitue en réalité une tentative compréhensible de se tirer d'affaire en détournant l'attention. Les propos tenus à l'encontre du général et de l'ancien wali ne sont pas nouveaux à Oran car, à ce sujet, ce dernier a déjà eu affaire à la justice pour diffamation et il a été condamné pour cela, rappelle-t-on. Le tract mentionne « une manipulation de deux fils de chahid dont (ils( tairont les noms par respect de la mémoire de leur père ». « Vous avez osé duper et manipuler de façon criminelle les deux membres de l'organisation de fils de chahid, chose que vous n'aviez pas réussi à faire avec l'UGTA », est-il également mentionné. On atteste pourtant à ce propos que les rédacteurs du document en question ont eu à affronter l'ancien wali directement pour lui exposer les mêmes griefs. Une manière de dire que lui-même connaissait ses détracteurs. Parmi eux, on a cité justement un fils de chahid qui était, précise-t-on, proche du défunt commandant Moussa. Le même interlocuteur affirme qu'aux affaires déjà étalées et qui sont en ce moment en phase d'être jugées, il y a les biens acquis à l'étranger par certains contrevenants. Tous les gens qui se sont exprimés sur cette affaire ont souhaité que leurs noms soient tus. C'est le cas d'un fils de chahid qui pense : « De toutes les façons, ce dont on accuse l'ancien wali d'Oran n'est que la partie apparente de l'iceberg et il a été lui-même embrigadé dans un réseau. » Le terme la mafia du foncier revient sur les lèvres, mais les agitations qu'a connues Oran à ce sujet relèvent maintenant du passé. « A quoi bon militer si on finit toujours à la marge pour avoir dénoncé les abus ? », atteste-il. Cette affaire n'intéresse plus grand monde. « Rien dans ce qui a été dit aujourd'hui n'est nouveau », remarque un animateur de la scène politique locale. Il faut se placer dans le contexte de l'époque pour mieux comprendre les enjeux. Le pouvoir local, estime-t-on, s'immisçait même dans les affaires internes des partis politiques en jouant la carte du clanisme ou en instrumentalisant certains membres influents d'organisations diverses. Un responsable politique d'un parti au pouvoir estime que ni l'ancien wali ni son principal accusateur ne sont des sains. La course à l'enrichissement justifie tous les abus et ce n'est peut-être pas fini.