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Retour sur une banqueroute
Simas
Publié dans El Watan le 27 - 04 - 2005

Le partenariat avec les entreprises étrangères n'apporte pas toujours rentabilité et prospérité. Il peut même s'avérer catastrophique. Les travailleurs de Simas sont bien placés pour le savoir. Ils en ont fait l'amère expérience et ils paient aujourd'hui, seuls, les frais des décisions des autres. Ils vont se retrouver bientôt au chômage ; leur entreprise promise à un avenir des plus radieux grâce à un partenariat inespéré, a été mise en faillite.
L'assemblée générale extraordinaire des actionnaires, réunie le 22 mars dernier, a décidé sa dissolution et a procédé à la nomination d'un liquidateur. C'est à la demande de la partie algérienne, constituée par Sonatrach, Sonelgaz et l'ENCC, que la dissolution a été prononcée. Une demande formulée déjà en 2002 mais rejetée par la SGP Construmet qui a préféré accorder à Simas un sursis de deux ans. Un sursis qui va coûter cher, très cher, car, entre-temps, le déficit global s'est encore aggravé pour atteindre à la fin de l'exercice 2004 la somme vertigineuse de 130 milliards de centimes. Ce n'est pas un trou financier mais un gouffre ! Mieux encore, cet endettement colossal a été réalisé en quatre ans d'activité seulement. Un record en la matière !
Tout pour réussir et une banqueroute à la clé
Simas, une société par actions, formée en 1995 par trois entreprises algériennes des plus prestigieuses, et renforcée en 1998 par l'entrée au capital d'un partenaire canadien dénommé KPS, présenté comme leader mondial en matière en matière d'ingéniering métallique, a fait beaucoup mieux et plus vite encore que la plus déstructurée des entreprises publiques algériennes de sa taille. Détenteur de 34% du capital de Simas, soit une part plus élevée que ses partenaires algériens pris séparément, ce partenaire étranger contrôlait les commandes de gestion. C'est un Canadien qui trône à la tête de son conseil d'administration qui a le pouvoir de nomination des PDG. Est-ce à dire que les Canadiens sont de mauvais gestionnaires ? Ce serait faire injure à leur intelligence que d'avancer de telles accusations. Malgré l'énorme déficit, l'opérateur canadien, pointé du doigt par les syndicalistes comme étant le responsable d'une banqueroute voulue et programmée, s'est exprimé contre la dissolution. Il veut que cette association continue. Pourquoi ? Parce qu'il a beaucoup gagné et rien dépensé et qu'il ne veut pas lâcher le morceau. KPS a pris le contrôle d'une unité créée en 1971 et dotée de moyens lourds de transformation et de montage industriel, qui n'a pas cessé, depuis, de réaliser des progrès dans la réalisation des ossatures métalliques pour les grands ensembles industriels. C'est aussi la seule usine en Algérie et en Afrique capable de fabriquer des capacités, "appareils à pression destinés à la chaîne de transformation des hydrocarbures et notamment le stockage et le transport du gaz." Elle est aussi la seule à fabriquer les stations Sirghaz. C'est dire son importance sur le plan technologique et l'ampleur et l'étendue du marché qu'elle peut couvrir. Mieux encore, les compteurs de l'entreprise ont été remis à zéro dès la création de Simas. Les pouvoirs publics ont épongé toutes ses dettes et c'est une entreprise assainie et dégageant même des bénéfices à laquelle les Canadiens ont été invités à prendre une participation au capital et apporter un savoir-faire de pointe.
Les Canadiens font du profit
Cette participation de 6 millions de $ canadiens, dont 2,4 millions en numéraires et 3,6 millions en « nature » correspondant au financement du programme lié à la formation et au transfert technologique, n'a pas été honorée. KPS n'a versé à ce jour que 266 000 dollars US. Quant à la formation, il y a eu, certes, quelques déplacements de cadres mais point de transfert de connaissances pratiques. Simas avait tous les atouts en main pour réussir le pari de la performance et de la compétitivité. Au lieu de cela, c'est une descente aux enfers qui s'est produite. L'évolution du résultat annuel est effarant : on passe d'un déficit de 54,5 millions de dinars (Mda) en 2002, à moins de 315 Mda en 2003 pour atteindre en 2004 les 345 Mda (en négatif bien sûr). Quant au découvert bancaire, qu'on n'autorise pas, soit dit en passant, à l'autre unité ENCC de Relizane qui, elle, est entièrement nationale et qui n'a pas bénéficié d'un assainissement, mais qui, malgré tout, a réalisé un résultat positif l'an dernier, il n'a pas cessé de gonfler. De 66,8 Mda à fin 2001 à... 405 Mda à fin 2002. De quoi avoir le tournis ! « Soit une augmentation qui équivaut à deux fois les charges annuelles du personnel » (180 Mda), fera remarquer un syndicaliste. Il est ensuite passé de 459 Mda en 2003 à 513 Mda à la fin de l'exercice 2004. Un découvert supérieur au capital social qui est de 400 Mda. Au vu de ces chiffres plusieurs questions s'imposent. En plus de celle de savoir pourquoi on a laissé faire, à laquelle probablement il n' y aura point de réponse, il s'agit de savoir comment les Canadiens profitent de cette situation ? Ce qui les intéresse KPS, ce n'est pas le chiffre d'affaires de Simas en monnaie nationale ; ce sont les marchés gré à gré que la filiale passe avec la société mère située à Calgary (Canada). C'est la pénétration des marchés algériens et maghrébins pour son propre et seul bénéfice. Arracher le maximum de contrats en Algérie par le biais de Simas qui fera toujours des offres qui ne seront retenus qu'en raison des prix proposés défiant toute concurrence. La plus grande partie de ces contrats sera réalisée par la société mère canadienne qui empochera la grande partie du montant du marché. A Simas, il reste les dettes et le découvert. Un syndicaliste nous donne l'exemple suivant pour étayer ses dires : il s'agit, selon lui, de l'unité de dééthanisation de GP2/Z . « C'est Simas qui soumissionne officiellement et obtient un marché de 36 Mda, mais, en réalité, c'est KPS qui en profite. C'est en effet à cette dernière ou plus précisément à son siège au Canada que revient la partie ingénierie et fournitures. La main-d'œuvre est à la charge de Simas. KPS encaissera la plus grosse part de la facture et Simas n'aura servi en fin de compte que de simple atelier d'assemblage industriel. Le SG du syndicat nous relatera un 2e exemple de marché obtenu par Simas, mais à perte : "il s'agit de la fourniture à Naftal de 350 cuves GPL de différentes dimensions. Simas a été le soumissionnaire le moins disant pour un montant de 57 Mda, soit un prix moyen de 160 000 DA la cuve alors que son prix de revient est de 240 000 DA. L'entreprise ne tirera aucun bénéfice mais devra recourir à l'endettement pour s'acquitter d'une dépense supplémentaire de 280 Mda. » Face à cette situation, les travailleurs ne comptent pas rester les bras croisés. Ils viennent d'adresser une correspondance au président de la République pour solliciter son intervention, et s'apprêtent à engager une action en justice. Certains cadres de l'ENCC sont aussi inquiets. Leur proposition de retour de l'usine Hassi Ameur à sa situation d'origine, à savoir comme filiale de l'ENCC, risque de ne pas être retenue. Les pouvoirs publics pourraient opter pour une privatisation et amputer l'ENCC d'une partie importante de son patrimoine. En attendant, personne n'est en mesure de dire combien de temps va durer cette opération de liquidation, même si un délai est bien fixé. Il y a risque de disparition de l'usine.


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