Les certitudes affichées çà et là sur la composition du prochain gouvernement font sourire, car, hormis le président de la République, personne n'est en mesure de dire qui sera désigné ou évincé. Comme il est changeant et imprévisible, le chef de l'Etat lui-même ne sera définitivement fixé sur son choix qu'à la toute dernière minute. Au jour qu'il aura choisi, il faudra attendre la lecture solennelle de la liste du nouveau gouvernement par le JT de 20 heures pour connaître sans surprise aucune les noms des tombés en disgrâce, des maintenus et des nouveaux promus. Les seuls ministres dont on peut dire à l'avance qu'ils sont partants sont ceux que Bouteflika a tancés dans ses discours. C'est le cas, cette fois-ci, de Abdelatif Benachenhou qui a commis le crime de lèse-majesté de développer publiquement une approche différente de celle prônée par le locataire d'El Mouradia. D'autres avant lui ont fait les frais de leur indiscipline, n'ayant pas compris qu'un ministre ça exécute et ça se tait. Ce qui, au demeurant, est valable sous d'autres cieux, mais avec cette différence qu'en Algérie, la démission n'est pas permise : c'est le Président de la République qui nomme et c'est lui qui dégomme. Dur, dur donc d'être ministre ou chef de gouvernement, et pourtant ça se bouscule au portillon. Il est vrai que si on n'est pas trop regardant sur la dignité, ce poste offre des avantages à faire pâlir d'envie plus d'un. Beaucoup ont compris que pour durer, il fallait raser les murs et surtout ne jamais cesser d'encenser publiquement le chef de l'Etat. Certains sont même devenus experts dans cette recette. Deux chefs de gouvernement ont voulu mettre le holà, mais ce fut au prix de leur poste et de leur carrière politique. Benbitour et Benflis ont eu beau crier au piétinement de la Constitution - et avec eux une partie du personnel politique - Bouteflika a été réélu haut la main et le pays tout entier a fini par se « normaliser » autour de lui, avec la caution de l'extérieur. La spécificité du système politique algérien est ainsi faite, jamais démentie depuis l'indépendance du pays. Alors à quoi sert un changement de gouvernement et pourquoi s'exciter autour lorsque l'essentiel du pouvoir échappe aux ministres et au chef du gouvernement et quand, de surcroît, cette dépossession est programmée pour être accentuée par une prochaine révision constitutionnelle ? Mais, enfin, il est toujours bon de voir de nouveaux visages, surtout lorsqu'ils sont sympathiques.