«Construire un front médiatique uni pour défendre l'Algérie»    Les enjeux des changements climatiques et de la biodiversité débattus    Mobilis : Les médias à la découverte de la 5G    Le Quai d'Orsay et le lobby pro-israélien, principaux soutiens de Boualem Sansal    L'Afrique face aux turbulences géostratégiques et l'accroissement du budget militaire    L'ONU choquée !    Des matchs à double tranchant    Le Prix national de l'innovation scolaire lancé    Nessim Hachaich plante les couleurs nationales au plus haut sommet du monde    Rencontre sur les mécanismes de protection    L'Institut d'agriculture de l'Université Djilali-Liabes invite les enfants de l'orphelinat    Algérie-Egypte : Ghrieb examine avec le ministre égyptien des Affaires étrangères les perspectives du partenariat industriel    Ligue 1 Mobilis : l'ES Sétif au pied du podium, le NC Magra n'est plus relégable    Evaluation des performances des urgences médicales: Saihi tient une réunion avec les cadres centraux    Journée Internationale sur la réanimation pédiatrique à Oran    Le Mouvement Ennahda souligne l'importance de consolider le front intérieur face aux défis    Meeting international: Loubna Benhadja s'impose sur 400m/haies aux USA    Le président du MSP appelle à faire face aux défis auxquels le pays est confronté    Mois du patrimoine: un programme riche et varié dans les wilayas du Sud    Chaib et Ouadah participent à une rencontre sur l'état et les perspectives de l'investissement en Algérie    Hachichi visite des sites relevant d'ExxonMobil au Nouveau-Mexique    Agression sioniste: la famine est imminente à Ghaza après 45 jours de blocus total    Haltérophilie/Championnat d'Afrique: l'Algérie présente avec 9 athlètes à l'île Maurice    UNRWA: le blocus sioniste actuel sur Ghaza "est le plus sévère" depuis le début de l'agression    40 poétesses à la 14e édition du Festival culturel national de poésie féminine    Rebiga s'enquiert de la qualité de prise en charge des Palestiniens accueillis au centre de repos de Hammam El Biban    Opéra d'Alger: ouverture du 14e Festival international de musique symphonique    Première rencontre régionale des journalistes et professionnels des médias algériens : des ateliers axés sur la réalité de la presse et la pratique journalistique    Projet de loi sur les Wakfs : les députés saluent le projet et appellent à l'accélération de sa mise en œuvre    Sonatrach renforce sa coopération avec le groupe américain ''Oxy''    L'arbitre Ghorbal hors-jeu...    USMA – CRB en finale    Malgré le déstockage d'énormes quantités, la pomme de terre reste chère    Les dernières pluies sauvent les céréales    Hamlaoui présente trois projets d'aide pour les femmes du mouvement associatif    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    La Coquette se refait une beauté    Un rempart nommé ANP    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Empreinte
L'écriture de la nuit
Publié dans El Watan le 28 - 04 - 2005

Les photographes coloniaux qui ont repris la suite des peintures orientalistes ont mis en branle l'encerclement des corps, des architectures et des scènes de la vie quotidienne fantasmés, en les bourrant de leurs propres signes, plutôt pitoyables et maussades jusqu'à l'éclatement de l'autre - l'indigène - dans un étourdissement mécanique démuni de tout ésotérisme et de toute métaphysique.
Poussant l'exaspération jusqu'à l'intolérable désagrégation du sens, dans une ellipse chaotique, burlesque et chargée de sous-entendus et de malentendus dramatiques ; faisant fi du chagrin et du malheur du sujet convoité ; à travers une vision stéréotypique, grâce à une intériorité fallacieuse et emberlificotée et une extériorité cannibale et vorace. La première photographie coloniale a été réalisée en Algérie en 1857 Par F.-J. Moulin, à la demande de Napoléon III ; mais c'est bien plutôt, en 1827, que Nicéphore Niepce inventa la photographie qu'il appela, à ce moment-là, l'héliographie, c'est-à-dire l'écriture par le soleil. C'est aussi l'année où le dey d'Alger donna un coup d'éventail au consul de France en Algérie ; ce qui allait être à l'origine de la longue nuit coloniale durant laquelle les photographes orientalistes vont s'acharner à oublier la définition même de leur art. Ce n'est pas là un hasard. En effet, les deux dates (naissance de la photographie et début de la conquête de l'Algérie) coïncident parfaitement, parce que, comme l'écrit Itzhak Goldberg : « L'appareil photo est un outil qui permet d'enregistrer les traces du voyage. » Et donc les traces du crime odieux commis dans cet Orient trop présent et trop absent et qui est surtout une image mentale, un fantasme et une perversion - tout en même temps - qui préexistent à la vraie découverte de l'Autre. Ce fatras de choses qui encombrent la tête du photographe colonial débarqué à Alger fausse et rature constamment le corps signifiant où se fondent et s'enchevêtrent plusieurs figures qui sont des défigurations, en réalité, aboutissant toujours à une tautologie désastreuse et à une contradiction dramatique que révèle avec beaucoup de finesse Itzhak Goldberg : « Faisant ses débuts avec l'histoire, la photographie coloniale finit par l'évacuer complètement. » En effet, les premiers photographes français ont été envoyés en Algérie pour des missions précises dont le but est de constituer une iconographie officielle et essentiellement militaire et dont le cas le plus flagrant est celui d'Eugène Delacroix, peintre de génie, qui mit son talent au service des généraux, de la conquête de l'Algérie et, plus tard, du Maroc. En regardant ces photographies d'Alger, on est frappé par le dépassement permanent du sujet réel par le fantasme à la fois débridé et effrité du faiseur d'images et qui aboutit à un renversement paradoxal et à une incarnation perverse instituant et reconstituant une réalité avec son espace-temps chamboulé, voire détraqué et parfois même - génocidaire (telles certaines cartes postales représentant des Algériens pendus, et envoyées par les Européens à leurs parents et amis en France, avec ce commentaire générique : « Bons baisers d'Algérie » !). Dès lors, nous ne sommes donc pas impressionnés (comme le devrait être une plaque ou une pellicule) mais nous avons, plutôt une impression que toutes ces belles maisons, ces structures urbaines, ces femmes à la fois cloîtrées, dénudées, mises à nu et donc violées, sont fausses et qu'elles sont mises en scène d'une façon désopilante, si ce n'était l'horreur de la réalité coloniale. Alger apparaît, à travers cette symbolique lamentable, comme forclose, flouée et faussée parce que le photographe s'obstine, en vain, à ouvrir un monde qui lui est irrémédiablement fermé et où s'incisent les lacis verglacés, les traits marbrurés et les nuances imperceptibles du mouvement de la vie réelle qui échappe, donc, complètement au regard de l'intrus, du voyeur et de l'envahisseur. Absence alors du signe algérien dont on fait une périphérie très vague, un ailleurs exotique qui échappe à toute tentative de mainmise ou de violation, parce que les empreintes digitales de la ville sont effacées et, du coup, elles ne renvoient plus qu'à une fausse identité, à une sorte de pseudonyme allégorique et fantasmatique qui n'a aucune prise sur le réel. Comme si les photographes européens voulaient enfermer la ville et les gens qui l'habitent dans une sorte de temps irrattrapable, figé, mort, déjà ! Avant la première prise. Ainsi l'utopie versatile et perverse du réalisateur est prise à son propre piège, elle devient « atopique » selon Itzhak Goldberg, parce que noyée dans une nostalgie facile et poisseuse qui évacue dès lors toute la douleur du monde colonisé et tout le malheur d'une ville que la colonisation a coupé de sa mer pour des raisons, à la fois militaires et mercantiles. Le photographe français n'a plus, dès lors, aucun talent à restituer ce monde tel qu'il est parce qu'il est démuni de tout remords, de toute compassion, de toute complexité et de toute complicité. Alger, ainsi prise, n'a aucune capacité de nous émouvoir, parce qu'elle est défigurée par les fantasmes et les chimères du voyeur colonial, l'œil glauque, voire aveugle, égrillard, trivial et surtout malveillant, dépravé et prédateur. En effet, ces faiseurs d'images ont oublié, en chemin, que l'histoire est un palimpeste qui s'efface et se réécrit, éternellement et d'une façon illimitée, avec la clarté et l'acuité de la conscience impitoyable crue et cruelle que nous impose la réalité du monde.

Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.