Des fonds d'aide gelés, la publicité monopolisée par l'Etat, des journaux - sitôt créés - disparaissent ; d'autres vivent sous perfusion. Rares sont les quotidiens qui ont pu réussir.Tel est l'amer constat de la situation actuelle de la presse écrite privée algérienne. Rien, ou presque, n'a changé de l'environnement dans lequel elle évolue, depuis quinze ans ; aucun plan de financement n'a été débloqué pour la développer. Pourtant, il en existe... Il est vrai que la circulaire de Mouloud Hamrouche du 19 mars 1990 a permis la levée du monopole de l'Etat sur les médias. Qualifiée d'« aventure intellectuelle », cette circulaire, de l'avis de plusieurs professionnels de la presse, a accordé certains privilèges aux journalistes qui ont voulu quitter le secteur public. Pour aider au décollage de la presse privée, trois ans de salaire, cinq ans d'exonération fiscale et des locaux publics opérationnels ont été accordés aux journalistes voulant lancer leur propre organe de presse. Depuis, la presse écrite a été délaissée. Pis, pour resserrer l'étau sur elle, l'Etat n'a pas voulu « lâcher » la manne publicitaire, principale source de financement des journaux. Dès le mois d'août 1992, le gouvernement Belaïd Abdesselam a ordonné aux directeurs des entreprises publiques de confier la publicité à l'Agence nationale d'édition et publicité (ANEP). Cela veut dire le retour déguisé au monopole de la publicité. En juin 1999, une loi mettant fin au monopole de l'Etat sur la publicité a été adoptée par le gouvernement, mais rejetée un mois plus tard par le Sénat. Des programmes d'aide bloqués Au moins deux plans destinés au développement de la presse ont été dégagés, puis bloqués. Le premier est le fonds d'aide à la presse mis en place par les pouvoirs publics en 1999 et doté d'un montant de 79 milliards de centimes. Le second est dégagé par l'Union européenne (UE) dans le cadre du programme MEDA . S'agissant du fonds d'aide à la presse, les choses traînent en longueur. Afin de trouver les modalités de son lancement officiel, le ministère de la Communication a entamé, fin 2004 et début 2005, des consultations avec les éditeurs et les professionnels des médias. Mais on ne sait pour quelle raison aucune suite n'a été donnée à ces consultations. Il reste à savoir également quels sont les critères auxquels devront répondre les titres de presse afin d'être éligibles à cette aide. Pour plus d'informations, nous avons tenté de contacter les responsables du ministère de la Communication, en vain. L'autre projet d'aide à la presse ayant connu le même sort que le fonds d'aide est celui entrant dans le cadre du programme de l'UE : MEDA. En fait, sur 25 projets développés par l'UE en Algérie, un seul est resté en situation de blocage total : le programme d'appui aux journalistes et médias privés. Financé à hauteur de 5 millions d'euros et sur une période de cinq ans, ce programme existe officiellement depuis le 16 mars 2002. Cette enveloppe est répartie ainsi : 1,5 million, soit 30% destinés à l'assistance technique (salaires des experts européens et algériens, formateurs...), et les 3,5 millions d'euros restant iront à des formations et à des bourses de séjour dans des rédactions de presse européennes. Il prévoit aussi un fonds d'aide d'urgence aux journalistes en situation précaire ou en difficulté (250 000 euros), en particulier les journalistes victimes d'interdiction d'exercer ou confrontés à des procédures judiciaires coûteuses, etc. C'est un programme très ambitieux. En raison d'une crise de confiance entre les différents partenaires chargés de sa gestion, en l'occurrence le Syndicat national des journalistes (SNJ), le ministère de la Communication et l'ambassade de l'UE en Algérie, ce programme n'a pas encore vu le jour. Une polémique autour du projet s'est installée à l'époque. Les journalistes ont assisté, sans saisir les enjeux, à un échange d'accusations et à des altercations opposant les divers partenaires. Après un gel de plus de quatre ans, l'ambassade de l'UE à Alger a décidé enfin de relancer le projet. Une demande officielle dans ce but a été adressée ces derniers mois à Bruxelles par l'ambassade de l'UE à Alger. C'est ce que nous a confirmé, mercredi dernier, le chargé de la communication de l'ambassade, M. Khiar. « On a envoyé une demande à Bruxelles pour relancer le programme d'aide à la presse. On attend toujours la réponse qui nous parviendra du siège de l'UE, normalement au début du mois de mai », a-t-il déclaré. Pour lui, l'essentiel actuellement est que le projet va être repris. « L'intérêt, c'est que maintenant le projet sera débloqué », a-t-il affirmé. Le programme de l'UE, rappelons-le, devrait s'étaler sur cinq ans (2001-2005). L'échéance est arrivée donc à expiration. Toutefois, selon M. Khiar, la période de blocage sera prise en compte et une autre échéance sera fixée pour la mise en œuvre du programme. Quelle formule trouvera-t-on, cette fois-ci, pour le lancement du projet ? L'affaire est à suivre.