Au moment où le monde entier fête la Journée internationale de la liberté de la presse, qui correspond au 3 mai de chaque année, des journalistes algériens ainsi que des directeurs de publication ont été appelés, hier aussi, à la barre pour des « délits d'écriture ». Tous les mardis, le tribunal d'Alger traite des dizaines d'affaires de diffamation. Rien que pour hier, une trentaine d'affaires étaient à l'affiche dès la matinée. Entre celles en délibéré et celles nouvellement programmées, sans compter les affaires reportées à maintes reprises, la chambre numéro trois de la première instance de la cour de Sidi M'hamed ne désemplit pas. Le journal arabophone El Khabar, indique la liste collée à la porte de la salle d'audience, est cité dans deux affaires. La première oppose le quotidien à Kamel Maïche, directeur général de l'Agence pour l'amélioration et le développement du logement (AADL). La seconde à Mohamed Lekhlef dont la profession ou la fonction n'a pas été précisée. Le directeur de publication du Soir d'Algérie et son chroniqueur Rédha Belhadjoudja (alias Hakim Lââlem de « Pousse avec eux ») était également sur la liste des affaires mises en délibéré. Le délit pour lequel ils ont été poursuivis par le ministère public est outrage au premier magistrat du pays dans une chronique intitulée « Ouled Lehram », parue en 2004. Le verdict dans cette affaire, comme les autres, ne sera connu que mardi prochain. Le directeur d'El Watan et la journaliste Houria Allioua ont été également appelés à la barre pour s'expliquer à propos d'un article sur la CA Bank dont le président-directeur général de cette banque est en prison. L'article incriminé a traité de l'implantation douteuse de l'agence de la CA Bank à Hassi Messaoud. L'affaire est à son énième report. Le procès a été renvoyé au 24 mai 2005. Plusieurs autres affaires liées aux « délits de presse » ont été renvoyées à des dates ultérieures. Le report de ces affaires, faut-il le souligner, n'a été décidé qu'après deux heures d'attente au tribunal. Le motif ? Aucun. Il faut préciser que depuis l'été 2004, le tribunal d'Alger a prononcé plusieurs peines avec sursis à l'encontre de journalistes et directeurs de journaux ainsi que de fortes amendes qui ne reposent sur aucun barème ni base juridique. La dernière condamnation en date est celle infligée à Mohamed Benchicou (en prison depuis 325 jours) et à quatre anciens journalistes du Matin, journal absent des kiosques depuis juillet 2004. Une peine de trois mois de prison ferme contre chacun d'eux a été prononcée par le tribunal d'Alger, le 19 avril dernier. Le lendemain, la deuxième instance de la cour d'Alger refusera à Benchicou, atteint d'une arthrose, une mise en liberté conditionnelle pour des soins intensifs dans un hôpital spécialisé. Le tribunal a condamné également Benchicou, début 2005, à trois mois de prison avec sursis et à une amende de 10 000 DA dans un procès de diffamation intenté par le maire de la commune de Batna. Sans compter les procès intentés par le fils de Khaled Nezzar et Mohamed Bedjaoui. En sus, une pluie de peines avec sursis et de fortes amendes sont également infligées à d'autres quotidiens, tel El Khabar, El Watan, Liberté, Le Soir d'Algérie et El Bilad, pour ne citer que ceux-là. Une interminable liste de procès les attend encore pour répondre à des plaintes portées par des personnes, morales ou physiques, dans certains affaires. C'est dire à quel point la liberté de la presse est malmenée. Et la profession mal considérée.