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Cherchell
Un événement historique totalement ignoré
Publié dans El Watan le 08 - 05 - 2005

Des jeunes Cherchellois avaient adhéré au Parti du peuple algérien (PPA) en 1944, à l'image de Si Hacène Saâdoun. Bien entendu, les jeunes militants cherchellois, très discrets dans leurs activités, arrivent à influencer d'autres camarades qui habitent en ville.
Les rencontres s'effectuaient très souvent. Mohamed Chérifi et Mohamed Benmokadem dit Dziri, membre du PPA, ont été contactés. Les jeunes Cherchellois, sous la houlette de Saâdoun Hacène, sont arrivés à constituer une cellule du PPA à Cherchell. En ville, selon les affirmations du défunt meneur de la cellule du PPA, les communistes s'agitaient de tous les côtés pour enrôler M. Bareteaux, maire de Cherchell durant cette époque coloniale, afin de le faire adhérer au Parti communiste e français (PCF). Le PPA prend une initiative pour la création du comité des amis du Manifeste. Les membres du PPA, à l'image de Mohamed Chérifi et Mohamed Kebilène, font partie de ses dirigeants. A Cherchell, Hadj Salah a été désigné pour le présider. Leur mission consistait à cette époque des années 1940 à influencer et à sensibiliser les jeunes Cherchellois pour rejoindre les rangs du parti de Messali Hadj. Leurs actions clandestines commencent à connaître des résultats positifs. La direction du PPA donnait des orientations. « Nous avions travaillé en harmonie et conformément aux directives qui émanaient d'Alger, nous déclare Si Saâdoun. Nous tenions nos réunions dans les maisons et parfois dans les cafés afin que la police coloniale ne nous découvre pas. Nous avions reçu l'ordre de manifester le dimanche 1er mai 1945. » C'est le militant Mohamed Benmokadem qui a été chargé par l'animateur Saâdoun Hacène d'organiser cet événement historique à Cherchell. Le café de Kebilène constituait le lieu où devaient avoir lieu les préparatifs.
Le café de kebilene
Deux banderoles et des pancartes ont été confectionnées par les jeunes recrues du PPA. Les responsables locaux ont ramené des posters de Messali Hadj. « Vive l'Algérie libre et indépendante » et « Libérer Messali », tels étaient les slogans de cette manifestation. Le jour J est enfin arrivé. C'est le jour de repos hebdomadaire et du marché, tandis que les jeunes Cherchellois militants du PPA sont excités. L'encadrement de cette manifestation avait défini l'itinéraire qui devait commencer par le café de Kebilène pour aboutir au siège de la commune de Cherchell. « Au départ, nous étions peu nombreux, nous dira Si Saâdoun, mais au fil des dizaines de mètres parcourus, notre foule commençait à grossir. » Les jeunes manifestants scandaient les mots inscrits sur les pancartes et les slogans. Le petit groupe empruntait la petite rue de la Mosquée (zankat Al Hadadine), traversait le marché de Cherchell et avait rallié la rue principale de la ville à partir de l'hôtel de la messagerie pour se diriger directement vers le siège de la commune. Comment se fait-il que le nombre de manifestants a atteint la centaine, alors que le groupe ne se composait au départ que de quelques militants ? Selon le témoignage de l'animateur de cette manifestation du 1er mai 1945, les citoyens qui se trouvaient au marché et même les commerçants avaient rallié les manifestants quand ils avaient entendu scander « Tahia El Djazaïr moustaqila oua horra ». Certains militants avaient eu l'idée pour susciter l'adhésion de certains spectateurs : ils se sont adressés à eux et aux petits vendeurs, leur faisant croire qu'il y aura une distribution de produits alimentaires et d'effets vestimentaires à la mairie. Dès que l'ensemble des manifestants sont rentrés à la mairie en cette journée de repos, les policiers ont rapidement fermé toutes les issues. Ensuite, le maire de Cherchell arriva. Surpris par l'événement et le nombre des manifestants qui étaient demeurés calmes, il a interpellé Saâdoun et Benmokadem Mohamed. Ces derniers sont sortis des rangs, reconnaissant leur responsabilité au nom du PPA. « Il nous avait menacés et insultés », nous disait-il lors de notre rencontre de juin 2000. « C'est ainsi que nous nous sommes soulevés en ce dimanche 1er mai 1945 à Cherchell », conclut l'animateur de ce mouvement populaire des Cherchellois. Notre interlocuteur était né le 23/7/1923 et est décédé le 2/3/2001 à Cherchell.
Une répression féroce
A Alger, le bilan de la manifestation du 1er mai 1945, qui avait eu lieu à l'ex-rue d'Isly, faisait état de 11 morts, de plusieurs arrestations et de tortures. Elle avait regroupé environ vingt mille personnes. Selon notre interlocuteur, à la suite de la manifestation de Cherchell, les actions de répression menées par les forces coloniales sont devenues plus féroces, d'autant plus que la manifestation a facilité le travail de mise à jour du fichier de police et de l'identification des militants actifs pour la cause nationale. L'histoire du complot contre la caserne de Cherchell avait été conçue et initiée par les forces coloniales, selon le défunt Saâdoun Hacène. Le gouvernement français de cette époque-là voulait étouffer toutes les voix qui revendiquaient l'indépendance de l'Algérie en faisant croire à l'opinion qu'il y avait une connivence entre Hitler qui venait de se suicider dans son bunker à Berlin et le PPA. Quelques jours après la manifestation du 1er mai à Cherchell, après avoir inventé tout le scénario du complot contre la poudrière de l'Ecole militaire de Cherchell, pour justifier les persécutions et les arrestations, les forces coloniales avaient taxé les jeunes militants du PPA de nazis. Selon les affirmations du défunt Saâdoun Hacène, accusés de trahison pour avoir participé à une entreprise de démoralisation de l'armée et de la nation en vue de nuire à la défense nationale, les éléments de la sécurité française arrêtent le 14 mai 1945 deux Algériens musulmans, militants de la cause nationale, qui faisaient partie de l'effectif de l'Ecole militaire de Cherchell, en l'occurrence le sergent Ouamrane (stade) et le soldat Maskri (parc auto) et des militants du PPA de Cherchell. Il s'agit de Benmokadem Mohamed (secrétaire), Chérif Mohamed (tailleur), Kebilène Mohamed (menuisier), Saâdoun Hacène (jardinier), Hamdani Abdellah (journalier), Benmoussa Abdelkader (écrivain public), Sedouki et Benmokadem (tanneur) dit Dziri. Les forces de police n'avaient pas arrêté Hadj Salah. Ils ont comparu devant les magistrats le 16 septembre 1945. Le tribunal militaire d'Alger avait jugé cette affaire de « complot contre la poudrière de la caserne de Cherchell ». Ce tribunal était présidé par le colonel Vetre, le siège du commissaire du gouvernement français était occupé par le colonel Lieu. Quant à la défense, elle était assurée par les maîtres Baille, Behard, Bucaille, Lesa, Poréda et Thiberd. Le procès demandera plusieurs audiences pour faire croire à l'opinion publique que la justice est équitable. Les sentences très lourdes n'ont pas tardé. Le tribunal avait prononcé la condamnation à mort à l'encontre de Saâdoun, Ouamrane et Maskri ; la perpétuité contre le mineur Benmokadem Mohamed ; 20 ans de prison ferme contre Chérifi Mohamed et Dziri ; 10 ans de prison ferme contre Kebilène Mohamed ; 2 ans de prison avec sursis contre Benmoussa ; la relaxe au profit de Hamdani Abdellah et Sedouki. Cet événement historique local demeure oublié jusqu'à ce jour. Beaucoup de ces militants sont morts en martyrs durant la guerre de l'indépendance. D'autres sont décédés, emportant avec eux d'autres secrets, tels que Larinouna Ahmed, qui avait tenu la banderole, Bakhti Mansour... En revanche, Souilamas Noureddine, Hasm Mohamed et Kebilène sont toujours en vie à Cherchell. Malades, ils vivent dans l'anonymat le plus total. Depuis 1962, aucune autorité locale, ni même ces organisations qui prétendent détenir le monopole de l'histoire locale et le registre du combat libérateur de la région n'ont daigné rendre hommage à ces militants anonymes. Le P/APC de Cherchell estime qu'il est du devoir des associations de rappeler à l'autorité locale ces évènements historiques. L'APC s'engage à les aider pour rendre hommage à ces hommes et ces femmes, militants de la cause nationale, qui sont demeurés à l'écart. Cela fait partie de l'histoire du pays.


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