Pour le compte du 1er trimestre et concernant le seul secteur privé, les éléments accrédités par l'inspection régionale du travail ont mené sur le terrain 838 visites inopinées qui se sont soldées par l'enregistrement de 2758 infractions sanctionnées en fonction de leur degré de gravité par rapport à la législation du travail. Concernant les infractions du premier degré, pour reprendre le jargon professionnel utilisé par les inspecteurs des brigades mixtes, 118 procès-verbaux ont été notifiés aux contrevenants pour entrave à l'action de contrôle, non-délivrance de fiches de salaire, mauvaises conditions de travail, non-présentation des registres réglementaires, non-respect des seuils minimaux de rémunération et utilisation de la main-d'œuvre étrangère en totale violation avec la réglementation en vigueur. S'agissant d'infractions du second degré, le bilan de l'inspection du travail affiche 237 mises en demeure signifiées à leurs auteurs, lesquels ont été sommés de se mettre illico presto en règle vis-à-vis des délits qui leur sont reprochés. A un degré moindre, 130 employeurs fautifs d'infractions jugées légères ont été, pour leur part, destinataires de simples observations, à charge pour ces derniers de se mettre en règle en prévision de contre-visites inopinées dont l'effet de surprise constitue, même pour les fraudeurs les plus avérés, une véritable épée de Damoclès pesant en permanence au-dessus de leur tête. Ce qui ne mettra pas pour autant un frein à leurs agissements, déplore un inspecteur désabusé par la faiblesse des effectifs et des moyens de transport affectés à cette mission de contrôle. Des « armes de dissuasion » qu'il juge, au même titre que ses collègues, comme dérisoires vis-à-vis d'un phénomène qui prend une ampleur inquiétante dans un secteur d'activité où les employeurs soucieux du respect de la législation du travail ne sont pas légion. « Et c'est peu dire », avoue notre interlocuteur. Dans ce contexte où tous les moyens sont bons pour défier et contourner la réglementation régissant le monde du travail, le secteur d'activité des services (cafés, restaurants, etc.) demeure le champion incontesté de la fraude. En l'espace de ces trois derniers mois, indique le bilan chiffré de l'inspection du travail, 79 procès-verbaux d'infractions, 138 mises en demeure et 92 observations ont été notifiés aux employeurs pris en faute, notamment en matière de rémunération et d'utilisation abusive de la main-d'œuvre étrangère. Pourtant, affirment les services concernés, ces chiffres ne reflètent pas toutes les facettes des problèmes vécus par une main-d'œuvre souvent surexploitée, sous-payée et travaillant dans de nombreux cas dans des conditions d'hygiène et de sécurité déplorables. « Ils sont malheureusement nombreux à passer à travers les mailles du filet et ce malgré toute la bonne volonté et les efforts déployés pour débusquer le maximum de fraudeurs », nous dira un membre de l'équipe multisectorielle chargée de la traque des employeurs non respectueux de la législation régissant leurs activités. Par ailleurs, de crainte de perdre leur emploi, nombreux sont les travailleurs du secteur privé qui subissent en silence les humiliations, le harcèlement moral ou sexuel, des horaires surchargés, des salaires de misère, etc. Fort heureusement, et même s'ils sont minoritaires, il y a aussi ceux qui finissent par entrer en conflit ouvert avec leurs employeurs comme en témoignent les 459 différents traités ce trimestre par l'inspection du travail. Au final, 34 cas seulement ont été réglés à l'amiable, 271 ont fait l'objet d'un PV de non-conciliation et 108 dossiers sont restés en instance dans l'attente de leur traitement par la chambre sociale siégeant au niveau du tribunal de Constantine. Loin d'être la panacée, ces timides coups de pied donnés dans la fourmilière des secteurs les plus affectés par la gangrène de la fraude n'en constituent pas moins, aux yeux des travailleurs du monde du travail « précaire », de nouveaux jalons posés dans la lutte menée contre les employeurs soucieux de leur seul profit. En somme, des esclavagistes des temps modernes.