Courant février 2005, s'étaient réunis à Annaba, à l'initiative de l'Association pour le développement et la promotion de l'entreprise (ADPE), les producteurs de tabac - et les transformateurs regroupés dans la société mixte algéro-grecque Atlas Tobacco SPA. Ils avaient étudié, durant plusieurs heures, les aspects liés au développement de la culture du tabac brut et exotique, sa production, son traitement, son conditionnement et sa commercialisation.Les participants avaient tenu à souligner que malgré les efforts consentis par l'Etat et la mise en application des différents programmes, la culture du tabac n'arrive toujours pas à atteindre son régime de croisière. Ce déficit est à l'origine de l'importation annuelle par l'Algérie de 20 000 tonnes de tabac alors qu'une même quantité est introduite via les nombreux réseaux de contrebande, particulièrement aux frontières sud-est. Planification, préoccupations du court terme et travaux prévisionnels limités dans le temps et dans l'espace avaient été d'autres points soulevés avec comme souci principal, l'amélioration des cultures et la qualité du tabac. Depuis l'indépendance, son étude avait été à chaque fois remise aux calendes grecques avec pour résultat une production annuelle d'à peine 3000 tonnes. Cette quantité est de très loin en deçà de la surface utile agricole nationale officiellement destinée au tabac. Au-delà de l'implication du partenaire turc et éventuellement de l'américain Philip Morris dans les prochains mois, les agriculteurs restent toujours sceptiques. La malheureuse expérience vécue dans la production de la tomate industrielle a échaudé la plupart d'entre eux. Revalorisation Comme argument, ils avancent le fait que principalement destiné à l'exportation durant la période coloniale, le tabac occupe, depuis l'indépendance et jusqu'à 2005, le fond du tableau des priorités agricoles nationales. Selon eux, ni les structures de financement mises en place ni celles d'intervention en milieu rural n'ont pu mettre un terme à cette situation de pourrissement d'une spéculation entourée, sous d'autres cieux, de toutes les attentions. Pourtant, le tout dernier programme de développement agricole consacre la primauté aux cultures industrielles. Les observateurs avaient même relevé que les concepteurs ont marqué une nette volonté à rechercher de nouveaux types de relation entre les administrations représentées par les services agricoles et l'Institut technique des cultures maraîchères et industrielles (ITCMI) et les transformateurs, les agriculteurs, la Financière algéro-européenne de participation (Finalep), cette dernière étant chargée uniquement du financement des équipements et autres moyens de production. Dans ce programme, la revalorisation de la culture du tabac y serait clairement soulignée. Elle serait liée à la réalisation d'objectifs de production planifiés dans le cadre d'un plan d'action annuel, y compris dans le domaine des investissements. Pour les agriculteurs producteurs de tabac, l'évolution de la production de tabac repose sur deux axes. D'une part, l'amélioration de l'encadrement technique et de l'autre l'extension des surfaces. Au point de vue institutionnel, les mêmes agriculteurs avancent la nécessaire application de mesures incitatives au diapason des nouvelles donnes économiques imposées par la mondialisation. D'autres mettent en cause les dispositions des différents programmes de développement agricole. Selon eux, ces programmes n'ont pas tenu compte des cultures du tabac et du coton. « Je peux affirmer que le peu de cas que l'on fait sur le plan de la médiatisation et de la vulgarisation de cette culture est pour beaucoup dans l'impact très insignifiant qui en a résulté. Heureusement qu'il y a eu cette réunion de Annaba du mois de février 2005 qui avait regroupé les représentants de l'administration, les transformateurs, Finalep et des agriculteurs. Les engagements pris ce jour-là, notamment en matière de graine de semence du tabac, ont fait évolué quelque peu la situation. Il reste cependant à parfaire cette dernière pour prétendre atteindre des résultats tangibles », explique Omar M., un agriculteur de Annaba ruiné par des sinistres successifs, qui se reprend à espérer avec le contrat de partenariat d'Atlas Tobacco. La récente annonce d'une fiscalisation de toute la production agricole est prise au sérieux. Elle est significative de ce comportement, entre appréhension et position attentiste, des agriculteurs à investir et à s'investir dans la production du tabac. « Avec cette fiscalisation, c'est un autre partenaire indésirable qu'on nous impose. Il en découlerait des conséquences désastreuses pour l'agriculteur. Avant de parler de développement de la culture du tabac ou de toute autre spéculation, qu'on nous dise d'abord ce qui a été prévu en matière de stimulation. Va-t-on faire comme la tomate industrielle où, outre l'absence de subvention étatique, l'agriculteur est livré pieds et poings liés aux transformateurs et aux banques ? », s'est interrogé Abdenour Z., agriculteur à Guelma. Notre interlocuteur a, par ailleurs, précisé que, malgré une tendance à la reprise de la culture du tabac, la moyenne nationale de production varie entre 6 et 8 quintaux/ha/an. Bien que des engagements aient été pris en février 2005 quant aux financements des équipements et la mise à disposition en quantité suffisante de la graine de semence, cette moyenne devrait être revue à la baisse dans la région de Annaba. Dans cette wilaya, où 20% de la surface utile agricole sont destinés aux cultures industrielles de la tomate et du tabac, la chambre de l'agriculture se présente comme étant un frein au développement agricole. Les résultats qu'elle a présentés sur son propre bilan à l'occasion de l'assemblée générale élective révèlent une léthargie chronique des activités de cette institution durant la décennie écoulée. Ce qui expliquerait, le refus catégorique de son secrétaire général et de son président de communiquer un quelconque chiffre ou une information fiable sur le tabac, dont, du reste, ni l'un ni l'autre dispose. L'absence des ressources nécessaires pour investir et accroître leur production est un autre handicap auquel sont confrontés les agriculteurs. Les conclusions d'avenir dans la culture du tabac apparaissent vagues pour la grande majorité des animateurs des cultures industrielles, dont le tabac. Nonobstant les tentatives de restructuration (encadrement, coopératives, animation, financement agricole, projets de partenariat et créations de sociétés agro-industrielles), bon nombre d'agriculteurs ont estimé que la situation risque de se dégrader encore plus. Si sous d'autres cieux, toute restructuration est synonyme de hausse de production agricole, en Algérie, elle semble avoir abouti à l'enrichissement d'une minorité et à l'appauvrissement d'une grande majorité d'hommes de la terre.