Après une absence de cinq ans, Amnesty International (AI) effectue du 6 au 28 mai courant une mission d'investigation en Algérie. Comme en l'an 2000, marqué par la mise en œuvre de la concorde civile, cette nouvelle visite intervient en plein débat sur l'amnistie générale. Les deux politiques de pardon ont été accueillies avec beaucoup de réserve par AI. Lors d'une rencontre-débat, lundi, au siège d'El Moudjahid, de nombreuses personnalités, notamment Farouk Ksentini, président de la Commission consultative algérienne des droits de l'homme, ou encore l'avocat Miloud Brahimi, ont tiré à boulets rouges sur cette ONG, accusée de vouloir « torpiller » l'amnistie générale que compte mettre en œuvre le président Abdelaziz Bouteflika. Une amnistie qui « pourrait priver définitivement les victimes et leurs familles de leur droit à la vérité, à la justice et à des réparations », a indiqué, le 14 avril 2005, AI, dans une déclaration signée également par Human Rights Watch (HRW), le Centre international pour la justice transitionnelle, la Commission internationale des juristes et la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH). Ces ONG espèrent peser de tout leur poids dans ce débat. A chacune de ses sorties, cependant, AI provoque une levée de boucliers en Algérie. Principal grief : l'obsession de l'organisation de faire porter l'entière responsabilité des assassinats durant la décennie noire aux forces de sécurité, sans évoquer plus en détails ceux commis par les groupes islamistes armés. Sans jamais évoquer le mot « terrorisme ». Une prise de position qui a tendance à agacer les autorités, et mêmes des associations des familles des victimes du terrorisme. Les membres de la délégation d'AI, qui s'étaient rendus en Algérie en 2000, avaient tenté d'expliquer cette situation par le fait que « la charte de l'ONG ne prévoit pas les crimes commis par les entités ». Aussi, ils avaient assuré qu'ils allaient y remédier. Cinq années après, rien ne paraît avoir changé, le jargon d'AI reste le même, les organisations algériennes qu'elle consulte aussi. De surcroît, ses prises de position sont considérées par les autorités algériennes comme de véritables ingérences dans les affaires internes de l'Algérie. Abordant la question de l'amnistie générale, AI a souligné dans sa déclaration d'avril dernier que certaines déclarations officielles indiquent que la loi exemptera de poursuites « les membres des groupes armés, des milices armées par l'Etat et des forces de sécurité pour les délits commis durant le conflit ». Les signataires de cette déclaration ont également indiqué en évoquant le référendum que « le gouvernement algérien ne peut se soustraire à ses obligations internationales en adoptant à l'échelon national des lois contraires à ses obligations, que ces lois résultent d'un vote au parlement ou d'un référendum ». Une nouvelle donne est toutefois apparue il y a de cela quelques semaines : en reconnaissant l'implication des agents des services de sécurité dans la disparition de 6146 personnes, l'Etat algérien semble avoir coupé l'herbe sous le pied des ONG internationales.