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Réminiscence, à l'ombre de fromentin
Au bois sacré
Publié dans El Watan le 12 - 05 - 2005

l'avocat avait interdit à ses enfants de se mêler de la guerre. Il ne jouait pas au pacificateur. Il voyait loin. Il nous disait de nous occuper de nos études pendant que lui et d'autres, les adultes, se chargeaient du présent qui deviendrait un bel avenir pour tous.
Connu sur la place de Blida, l'avocat parlait bien, et ses enfants avaient peur de lui, mais pas de la guerre. Sa fille, qui lisait beaucoup, n'avait pas vraiment d'auteur préféré. Elle était tombée un jour sur Une année dans le Sahel de Fromentin, qui racontait son arrivée à Blida le 8 février 1857. Le peintre se disait « Blidien » et aimait le surnom de « petite rose » pour la « petite ville » de Blidah. Le Français jouait avec les mots et les formes féminines. Il se promenait, l'âme et le pinceau particulièrement légers, dans le bois des oliviers, le bois sacré qui agrémente les hauteurs de la ville, au pied de Chréa. Vaguement fière de sa ville, la petite Blidéenne suivait, tableau après tableau, l'artiste et sa muse dans un lieu digne de la Grèce, où l'on se sentait quasi immortel, à l'instar de l'olivier, l'arbre pâle, vigoureux et divin, capable de faire « reculer les lances ennemies ». C'était beau, et la jeune lectrice arabe ne pouvait que vibrer au son des images évoquant des temps immémoriaux. Soudain, une page affreuse, déchirée par l'histoire, affreuse comme la scène que décrit Fromentin. Quatre hommes, des Arabes, sont assassinés, par un temps glacial et sombre, dans le joli bois sacré de Blida. Placés face à la montagne, les quatre hommes tournent le dos au peloton qui va les exécuter sans qu'ils puissent avoir leur mort dans les yeux. A peine le temps de diriger l'index vers le ciel, et voilà les suppliciés qui s'effondrent sous les balles, basculant dans les tranchées creusées pour les recevoir. Une sentinelle les gardera toute la nuit, empêchant quiconque d'approcher. Ce n'est qu'au petit matin que les familles pourront récupérer les corps. Peine capitale prolongée par la condamnation au froid et à la solitude de la nuit. Au petit matin, les corps raidis sont étendus sur des mulets et acheminés vers le cimetière à l'autre bout de la ville. A les voir de loin, on a l'impression que les bêtes portent des planches. L'olivier sacré n'a pas fait reculer les fusils ennemis. Au jeu de la beauté et de la mort, Fromentin ne perd pas une lectrice qui poursuit ses études et ses rêves. Le fils de l'avocat est inscrit au lycée Duveyrier, à proximité du bois sacré. C'est là qu'il va jouer au foot avec ses copains à la sortie des cours. Plus enclin à l'action qu'au rêve, il ne se sépare pas de la Vie d'Abdelkader. Quand il est seul, il trace au pied de l'olivier divin un plan de manifestation future. De Blida à Guelma, à peine quelques kilomètres. Sur la route, celui qui n'aurait jamais dû quitter son lycée ne regrette rien. Sur la route française, il respire l'Algérie irascible. A pleins poumons, ça respire et ça sent la force des idées. Il y a beaucoup de monde. Il y a Lounès et Sliman, des fils de paysans expropriés, exclus de l'école, devenus journaliers au jour le jour. Il y a une femme, la bonne de M. Ricard, soûlée de force et battue un soir d'orgie coloniale. Et alors, Mourad, l'étudiant manœuvre, a surgi de nulle part et a tué M. Ricard d'un coup de couteau. Alors, la servante humiliée n'a pas voulu laisser Mourad aller en prison pour rien, elle a pris la route et elle a rejoint le groupe des femmes échappées de Dar Sbitar livrée à la police, aux cris des enfants terrorisés, au lamento de la folle qui entendait le vent mugir dans la montagne. Il y a beaucoup d'Arabes sur la route française. De Tlemcen ou d'Ighzer jusqu'à Guelma, quelques kilomètres à peine quand on apprend à respirer, la colère à pleins poumons, bien. Là-bas, sur place, la foule est énorme et mugit. Elle ne veut entendre ni l'avocat local, ni le muphti, ni tous ceux qui couchent dans les lits des Français et se servent dans leurs docks. Les discours, y en a marre. Les mains rouges assez dormi. Beaucoup de mains et de poitrines nues. Beaucoup de morts forcément. 45 000, paraît-il. Imaginez la foule des vivants qui courent pour échapper aux mitrailleuses, avant de tomber. Y a pas de montagne, pas de stratégie. Y a pas d'arbres sacrés qui font reculer les lances ennemies. Rien que des poitrines et des mains nues et rougies, roulées dans la chaux vive, tombées au bois sacré de l'honneur, planté par une main mortelle, une bonne main d'Algérien interdit de nation. La fille de l'avocat a continué à vivre dans le pays nouveau comme l'espérait son père. Elle continue ses lectures, mais ce n'est plus comme avant. Désormais, elle a des préférences. Marquée par les images de Fromentin et du bois assassin qui transforme les vivants en planches verticales et raides, elle comble ses frustrations d'interdite de manifestation en prenant du plaisir à voir des hommes debout et marcheurs. Elle aime bien marcher avec le peuple djann d'Andreï Platonov, un peuple des déshérités en route vers l'éternelle et toujours fuyante Terre promise. Ce peuple d'âmes marche dans un trou inhabitable, effondrement du sol en plein désert, entre l'Iran et la mer d'Aral, une fosse qui n'existe pas et qui rend l'histoire énigmatique. Où allons-nous ? Sommes-nous menés ou bernés par des Moïse qui nous entraînent aux portes du bonheur ? A quoi sert de faire la révolution, de pousser les hommes à la lutte si, exsangues, ils n'ont pas le bonheur pour immédiate récompense ? Non pas le grand bonheur qui n'existe que si l'on accepte de se perdre ici-bas. Non, juste le petit bonheur de proximité, palpable et chaud, sensible à nos viscères et à nos muscles. Rien que ça. Juste de quoi ne pas nous sentir comme une bûche glacée, roulés dans la chaux vive du mépris, voués à la gueuserie et à la faim, privés du désir de vivre. C'est peut-être pour cela que l'avocat n'a pas voulu que sa fille fasse la guerre. Cela valait le coup de survivre et de poser des questions de survivants en fréquentant régulièrement le bois sacré tant que le loup y est, caché encore derrière l'arbre divin qui ne fait toujours pas reculer les lances ennemies. Au fond de la fosse, elle réalise qu'elle n'est pas seule. Comme autrefois sur la route française, il y a beaucoup de monde. Que du beau monde. Des rescapés de la misère qui se serrent les uns contre les autres, acquérant dans le dénuement et le rapprochement une existence élémentaire qui est peut-être, malgré tout, le début du bonheur.

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