Que peut-il bien se passer en Ouzbékistan, cette ancienne république soviétique, devenue indépendante en 1991, et dirigée, depuis cette date, par le président Islam Karimov, un chef d'Etat autoritaire, mais paradoxalement jamais qualifié comme tel. Est-ce parce qu'il a su mettre son pays à la disposition des Etats-unis en guerre contre l'Afghanistan voisin et qui avaient besoin de bases arrière ? Et hier l'armée tirait sur la foule faisant des morts. En tout état de cause, rien de ce qui peut se passer dans ce pays ne devrait laisser indifférent surtout que des changements substantiels surgissent dans la longue frontière qui cerne la Russie. Le seul élément qui se recoupait hier, c'est qu'un atentat visant l'ambassade d'Israël à Tachkent en Ouzbékistan a été déjoué et le kamikaze a été tué. Ce n'est là que la seule version de la présidence du Conseil en Israël. Des vigiles chargés de la sécurité de l'ambassade d'Israël « ont repéré un suspect qui tentait de pénétrer dans la chancellerie, portant sur lui une ceinture d'explosifs », a indiqué la présidence du Conseil dans un communiqué. Mais un haut responsable israélien a indiqué sous le couvert de l'anonymat que la ceinture que l'homme portait ne contenait pas d'explosifs, selon des informations préliminaires. « Il venait très certainement tester les mesures de sécurité en vue de perpétrer un attentat suicide », a déclaré ce responsable. Le ministère israélien des Affaires étrangères a reporté l'envoi en Ouzbékistan d'une délégation commerciale et décidé de renforcer le niveau d'alerte dans les représentations diplomatiques à l'étranger, selon la radio publique. L'ambassade des Etats-Unis à Tachkent a confirmé qu'« un kamikaze avait été abattu ce matin devant l'ambassade israélienne ». Mais d'après des agences russes, les services de sécurité ont fait erreur, et l'homme n'était qu'un chômeur ordinaire, cherchant à entrer dans le bâtiment. Le 30 juillet 2004, trois attentats suicide ont visé simultanément les ambassades des Etats-Unis et d'Iraël à Tachkent ainsi que le parquet général, faisant 4 morts et 7 blessés, sans compter les kamikazes. Cette série d'attentats coïncidait avec l'ouverture en Ouzbékistan de deux procès impliquant 31 islamistes présumés, accusés de terrorisme et pour certains de participation à une série d'attaques qui avaient fait 47 morts fin mars dans cette ex-république soviétique d'Asie centrale. L'autre élément d'information tout aussi probant, mais certainement plus dangereux pour la stabilité de la région entière, c'est que des troubles ont éclaté hier dans une ville importante de l'est de l'Ouzbékistan, à Andijan, où des insurgés ont pris d'assaut une prison de haute sécurité, dont ils ont libéré quelque 2000 prisonniers et le siège de l'administration régionale. Un premier bilan fait état de 9 morts. « Un groupe de criminels armés a attaqué une garnison militaire stationnée à Andijan et un poste de police. Ils ont pris possession de dizaines d'armes à feu et ensuite attaqué un centre de détention et libéré un groupe de détenus », a annoncé la télévision officielle dans une édition spéciale. Le président Islam Karimov, qui tient d'une main de fer ce pays, est parti pour Andijan, 4e ville du pays qui compte 300 000 habitants. Aucune information claire n'a filtré sur les revendications des insurgés et leur éventuelle appartenance politique. Mais de l'avis de plusieurs observateurs, leur insurrection pourrait viser à protester contre un procès en cours visant 23 personnes accusées de propager des idées de l'islam radical. « Il n'y a pas de wahhabites parmi nous. Nous voulons qu'on nous donne du travail et la démocratie », a déclaré une habitante de la ville sur une agence en ligne locale. Les insurgés demandent la médiation de la Russie et assurent avoir rassemblé plus de 50 000 personnes sur la grande place de la ville. L'Ouzbékistan a multiplié ces derniers mois les procès contre des personnes accusées d'activités islamistes, notamment depuis des attentats en mars 2004 (47 morts) attribués par les autorités au mouvement Hizbi Tahrir, interdit dans le pays et très implanté en Asie centrale. Le président Karimov est accusé par les défenseurs des droits de l'homme de cautionner la torture dans les prisons du pays et d'avoir lancé une vaste campagne de répression visant les opposants sous couvert de lutte contre l'islamisme. Les habitants décrivent le chaos, alors que des échanges de coups de feu se faisaient sporadiquement entendre. « Personne ne sait plus qui contrôle la ville », a déclaré le porte-parole d'une organisation ouzbèke de défense des droits de l'homme. Une situation qui ne manquera pas d'inquiéter tous ceux qui ont accordé ou disposent des intérêts dans cette région sortie de l'oubli il y a moins de 5 ans, un peu plus s'il faut parler des richesses pétrolières de ce pays.