Le rêve de tout président autoritaire est de transmettre le flambeau à ses enfants. L'Ouzbékistan n'échappe pas à cette règle même si Islam Karimov n'a pas de descendant mâle. Sa fille aînée est une femme d'affaires incontournable. Quadragénaire, Gulnara règne sur le plus vaste empire économico-financier de l'Ouzbékistan que son père dirige d'une main d'acier, au prix de répressions sanglantes. La ville d'Andijan, dans l'est du pays, est en état de siège depuis la mi-mai suite aux manifestations de soutien à une insurrection noyée dans le sang. Gulnara, à la tête d'usines, de banques, de la téléphonie mobile, d'agences de voyages et de boîtes de nuit, est le passage obligé pour tous ceux qui désirent faire des affaires dans ce pays stratégique de l'Asie centrale, frontalier de l'Iran, de l'Afghanistan et de la Chine. C'est la chef de file de l'élite courtisane qui, scandaleusement, prospère alors que les 25 millions d'Ouzbeks pataugent dans une misère indicible. Malgré son gaz, son or, son pétrole et son coton, l'Ouzbékistan figure au bas de l'échelle du classement des pays pauvres ! Les Ouzbeks vivent, pour la plupart, comme au Moyen-Âge, avec une agriculture vivrière et la débrouille pour les plus chanceux. Pourtant, le pays avait connu son âge d'or en tant que capitale de la route de la soie avec la prestigieuse Samarkand. La répression, la corruption et le clanisme sont érigés en système par Karimov dont les agissements sont toujours passés sous silence à l'étranger. Y compris par les Américains, pourtant, pourfendeurs — depuis l'arrivée de Bush — de pouvoirs, violant les droits de l'Homme basiques. Le président ouzbek, au pouvoir depuis 1991 — date à laquelle il a proclamé l'indépendance de Tachkent vis-à-vis de l'ex-Union soviétique — a prolongé son mandat jusqu'en 2007. À coups de scrutins truqués, de révisions constitutionnelles et de mise au cachot de tout ce qui se dresse sur son chemin, Karimov a les mains libres au motif qu'il mène une lutte sans merci contre les islamistes. Les Etats-Unis sont le grand pourvoyeur d'aide militaire à son système. En 2004, Bush lui a généreusement versé une obole de plusieurs dizaines de millions de dollars. Sans issue, le peuple ouzbek s'est réfugié dans la religion et Karimov accuse les voix dissidentes d'islamisme sans faire la part entre l'observation de l'islam et le militantisme de radicaux islamistes très remuant en Asie centrale. D. Bouatta