Lassitude, abattement, ras-le-bol, les avocats d'Alger sont loin d'évoluer dans l'alacrité exigée par leur délicate profession. De la déconsidération délibérée au mépris manifeste des différents organes de la cour d'Alger, les robes noires ont perdu patience. La situation, atteignant ces dernières semaines son paroxysme, a fini par exploser. Face à des insupportables contraintes auxquelles est soumise cette corporation, entravant le libre exercice de son travail au détriment bien sûr du droit élémentaire des citoyens à la bonne défense, le Conseil de l'ordre du barreau d'Alger a rompu, hier, le silence et décidé de passer à l'action. Ayant évalué le 11 mai, en séance extraordinaire imposée par la conjoncture, les conditions d'exercice des droits de la défense, le conseil est arrivé, à l'unanimité, à la conclusion suivante : « Il y a une détérioration continue des conditions d'exercice de la profession. » Là, on n'en est qu'au générique d'un communiqué rendu public, hier, dans lequel le syndicat des avocats d'Alger, pour ainsi dire, a égrené un chapelet de problèmes de tout bord, souvent insurmontables. Le conseil a enregistré « le refus délibéré des organes concernés de la cour d'Alger de prendre en charge les préoccupations légitimes de la profession tendant à assurer la préservation et la sauvegarde des droits de la défense ». Souffrant d'une multitude de difficultés et d'entraves dressées face à sa détermination « d'asseoir des relations de concertation et de coordination avec les services de la cour d'Alger », le conseil, présidé par le bâtonnier Abdelmadjid Sillini et une pléiade d'avocats, a dénoncé et condamné « les obstacles persistants rencontrés par l'avocat dans l'exercice de son métier », alertant l'opinion publique quant aux « conséquences néfastes sur la préservation des droits de la défense ». Contactés, plusieurs avocats, jeunes et anciens, ont dénoncé et vertement critiqué des comportements « incorrects » vis-à-vis de la plupart d'entre eux observés par certains magistrats, des procureurs de la République et même des greffiers. Ils ont condamné, dans la foulée, l'attitude « méprisante » du procureur général de la cour d'Alger qui n'a pas daigné recevoir les membres du Conseil de l'ordre en vue d'ouvrir un dialogue auquel ils ont, à maintes reprises, appelé. Ces avocats ont ainsi signalé l'existence d'énormes difficultés pour communiquer avec le procureur général, lequel, toujours selon eux, refuse de se concerter avec les avocats, soulignant au passage quelques décisions que la cour avait prises dernièrement en solo. « Un nouveau règlement d'accès à la cour vient d'être décidé à l'insu du Conseil de l'ordre et de toute la corporation des avocats, logeant à la même enseigne le justiciable et le simple citoyen. Mais consacrant pour les autres intervenants des accès spéciaux. Ainsi, ils ont relégué à la dernière loge le droit à la défense. C'est une déconsidération de trop », s'est insurgé un avocat qui a passé la moitié de sa vie à assurer la défense des citoyens. Autre point noir qui a fait réveiller les démons, c'est la décision prise par la cour, sans consultation aucune des parties concernées, d'organiser des audiences les jeudis. « Où est le dialogue prôné à chaque discours officiel ? », s'est demandé un autre avocat d'un ton coléreux. Un autre est allé jusqu'à dire : « Le droit à la défense est menacé », avant d'évoquer le cas de certains de ses collègues qui sont poursuivis en justice. Le Conseil de l'ordre du barreau d'Alger s'est décidément engagé dans un bras de fer avec la cour d'Alger. Des actions de protestations sont prévues dont les dates vont être fixées prochainement. Pour déballer tout sur les conditions d'exercice des droits de la défense, le conseil tiendra une conférence de presse demain. Ils veulent ainsi porter leur marasme à la connaissance de l'opinion publique. Veut-on affaiblir la défense des citoyens ? Leur ôter un droit élémentaire au moment où l'on parle de la réforme du fonctionnement de l'appareil judiciaire ? La détérioration et les entraves dressées sur le chemin des justiciers font office d'une telle volonté.