Le tribunal correctionnel de la cour de Sidi M'hamed, à Alger, a condamné, hier, Fouad Boughanem, directeur de publication, et Hakim Laâlam, chroniqueur du Soir d'Algérie, à deux mois de prison ferme et à 250 000 DA d'amende chacun et une autre amende de 250 000 DA pour le journal. Le délit : offense au chef de l'Etat. L'affaire, jugée en première instance et mise en délibéré le 22 mars dernier, est liée à une chronique de H. Laâlam, intitulée « Laoulad Lahram », parue en 2003. Le ministère public a considéré cet article attentatoire et diffamatoire. « C'est une offense à magistrat », avait déclaré le jour du procès le représentant du ministère public. L'avocat de la défense avait mis l'accent sur le fait que l'auteur de la chronique n'avait aucunement l'intention d'offenser ou de porter atteinte au président de la République. Au contraire, il avait, toujours selon lui, exprimé un point de vue et développé une idée. Le procureur de la République avait ainsi requis une année de prison ferme contre le chroniqueur et son directeur. Le jugement n'est toutefois pas définitif et les deux condamnés vont faire appel. Dans un communiqué de presse, Le Soir d'Algérie a qualifié de « lourde » cette condamnation. « Cela vient confirmer la volonté du Pouvoir de réprimer lourdement la liberté de la presse et d'expression en Algérie, et ce, au moment même où l'opinion publique nationale et internationale se mobilise pour exiger la libération de Mohamed Benchicou, directeur du Matin, incarcéré depuis près d'un an », est-il précisé dans le même communiqué. La Fédération internationale des journalistes (FIJ), basée à Bruxelles (Belgique), a vivement réagi par rapport à cette condamnation. Aidan White, secrétaire général de la FIJ, a déclaré, en apprenant ce verdict, que « la justice algérienne affiche une nouvelle fois sa compromission avec les autorités ». Et d'ajouter : « Ces vagues de condamnations systématiques et hebdomadaires rappellent, comme le ressac, la déliquescence de l'Etat de droit en Algérie. » Les propos de M. White ont été reproduits dans le communiqué de la FIJ parvenu à notre rédaction. Face à ces condamnations qui se succèdent, la FIJ lance une campagne de dépénalisation de l'écrit journalistique. Ainsi, cette organisation demande « l'abrogation des amendements du code pénal relatifs à la diffamation, qui alourdissent, depuis 2001, les peines de prison ». Pour rappel, cinq journalistes du Matin, journal suspendu depuis juillet 2004, dont le directeur de la publication, Mohamed Benchicou, ont été condamnés, le 19 avril 2004, par la même instance à des peines allant de deux mois à trois mois de prison ferme. Le 10 mai de la même année, après réquisitoire, le procureur de la République a requis une année de prison ferme contre trois autres journalistes, à savoir Farid Allilat, ex-directeur du quotidien Liberté, Ali Dilem, caricaturiste, et Mustapha Hammouche, chroniqueur du même journal. Aussi, le tribunal d'Alger a infligé des amendes au journal El Khabar, à son directeur Ali Djerri et à deux journalistes, dans deux autres affaires de diffamation.