Ultime recours des détenus, les grèves de la faim et les mutineries se multiplient à un rythme effrayant dans les prisons algériennes. La vague de mutineries de 2002, pour ne citer que les plus marquantes, survenues dans plusieurs villes du pays, avait suscité l'émoi chez l'opinion publique quant aux mauvaises conditions de détention. Entre avril et mai, douze incendies volontaires se sont déclarés, faisant presque 50 morts et une centaine de blessés. En mettant le feu à leurs matelas, les prisonniers espéraient attirer l'attention des autorités sur leur malaise, ce qui a remis sur le tapis l'urgence des réformes pénitentiaires. Le nombre élevé de victimes est dû au surpeuplement des prisons, dont l'une des principales causes demeure le prolongement abusif des détentions provisoires. La maison d'arrêt de Chelghoum Laïd (Mila), d'où le feu est parti, dispose d'une capacité d'accueil optimale de 115 détenus, alors qu'elle en abrite plus du double. Les 42 victimes, dont 20 sont mortes par asphyxie, étaient en attente de jugement dans une salle prévue pour 15 détenus. Les geôles se resserrent dramatiquement : alors que la population carcérale a dépassé la barre des 40 000 détenus, répartis sur 127 prisons à travers le territoire national, la superficie occupée par chaque détenu est de 1,86 m2, alors que la norme internationale est 12 m2. Les statistiques en disent long sur le drame qui affecte cette population. Pour la même raison, une soixantaine de détenus avait observé une grève de la faim, il y a de cela une année, à la prison de Serkadji (Alger). Une prison dont la fermeture, prévue depuis quelques années, a été retardée en raison des retards accusés dans la réalisation de nouveaux pénitenciers. Lors d'une conférence de presse tenue le 15 juin dernier, le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Tayeb Belaïz, a annoncé que toutes les affaires allaient être expédiées avant le 31 décembre. Cette mesure entre dans le cadre de la réforme de la justice, dont un rapport avait été livré le 11 juin 2000 par la commission présidée par Maître Mohand Issaâd, après 8 mois de réflexion. Malgré un exposé sans complaisance des tares du système judiciaire en Algérie, les recommandations de la commission Issaâd n'ont pas eu de suites notables. Manque de moyens ou de volonté politique ? Toujours sans complaisance, Me Issaâd a déclaré, dans un entretien publié par El Watan le 26 mai dernier, que le rapport qu'il a remis n'a toujours pas été appliqué. « Je constate que l'esprit de la réforme que nous avons proposée n'est pas encore à l'ordre du jour », a-t-il constaté, précisant que « le système résiste... »